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Droits dans leurs bottes

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 13 avr. 2018
  • 2 min de lecture

On s’est beaucoup interrogé sur le mystère par lequel un peuple cultivé, amoureux des arts, de la philosophie et de la musique, partie de Dürer, Goethe, Kant, Hegel, Mozart et Beethoven, la liste serait trop longue à égrener, est devenu celui d’un pays de monstres meurtriers. Les raisons avancées de type collectif comme la crainte de la crise économique, ou la pseudo-défaite de 1918, ou encore du traitement humiliant imposé à l’Allemagne ne m’ont jamais convaincu tout à fait.

Je crois plutôt que ce qui est arrivé aux Allemands tient à la méthode diabolique utilisée par Hitler pour exercer son pouvoir. On présente souvent le régime nazi comme totalement vertical l’ensemble du peuple étant soumis aux volontés du Führer. C’est en fait inexact.


En réalité, Hitler a organisé son emprise en donnant à chaque niveau de son administration un pouvoir absolu sur les niveaux inférieurs. Un droit de vie ou de mort qui était une drogue, la plus puissante qui soit et annihile tout sens moral.


On a dit que c’était la crainte qui expliquait la soumission du peuple Allemand, c’était en réalité l’inverse. Le régime nazi ne tenait pas par la terreur éprouvée mais par celle que chacun était en mesure de faire subir. En bout de chaîne, il fallait un souffre-douleur, et les Juifs étaient tout désignés pour tenir ce rôle ultime.


En outre, leur immolation avait le sens d’un crime rituel, le sang répandu était une transgression morale ciment d’une culpabilité fondatrice. Le rite industriel entourant leur persécution avait une correspondance dans le pacte du Reich avec le culte de la puissance mécanique.


On sait aujourd’hui que les Allemands savaient, mais cette connaissance (évidement niée après la défaite) était une source de jouissance de pouvoir. Ainsi ce crime contre l’humanité fut l’un des moyens d’anesthésier le sens critique et moral des Allemands.


Les Allemands ne sont pas plus disciplinés que d’autres, mais ils se sont appliqués à accréditer ce mythe qui d’une certaine façon expliquait, sinon excusait leur obéissance au régime nazi. De fait leur adhésion était due à une jouissance incomparable. Ils se sont donnés à cette folie car ils y étaient préparés par ce que l’on a appelé le romantisme allemand.


On peut aussi voir dans la version germanique des Lumières, curieusement dénommée Sturm und Drang, Tempête et Passion, un rationalisme tourmenté propice à une aventure morale originale, que l’on peut dire décomplexée . Le Faust de Goethe vend son âme au Diable pour exercer le pouvoir de la jeunesse. Nietzsche glorifie le pouvoir de l’homme sur la nature, et invite à dépasser le bien et le mal.


Ce qui à mes yeux explique le basculement allemand dans le crime et la docilité de ce peuple au nazisme est plus à trouver dans l’ivresse du pouvoir de l’homme droit dans ses bottes sur l’homme dominé que dans une prétendue nature obéissante à l’autorité.

 
 
 

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