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La vaisselle à l’eau froide

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 16 déc. 2018
  • 3 min de lecture



Analyser le phénomène des Gilets jaunes, c’est comme faire la vaisselle à l’eau froide. C’est long, désagréable et pas très efficace.


Essayons d’aller au plus court pour expliquer cette jacquerie à la mode Facebook.


Au départ, comme la tenue adoptée l’indique, c’est un mouvement d’automobilistes.


L’avertissement est clair, je veux être visible, car je suis en panne ou accidenté.


Rien à voir avec mes fins de mois, le smic ou ma petite retraite. J’ai un problème de véhicule. L’affaire du 80 km/h, une brimade de technocrate, le contrôle technique renforcé, le dénigrement systématique du diesel qui fait perdre sa valeur à la voiture que l’on m’a incité a acheter, le rattrapage des taxes sur le gasoil pour annuler l’incitation antérieure, les radars embarqués dans des véhicules banalisés pour me piéger, la hausse brusque du prix du carburant et l’annonce d’une taxe carbone qui est programmée pour renchérir très fort le coût du carburant afin que je renonce à ma voiture, puisqu’il s’agit de changer mon comportement... et là, cela coince.


En effet, j’ai absolument besoin de ma voiture pour aller travailler, pour faire mes courses, conduire mes enfants à l’école, bref pour vivre. car je vis dans un civilisation qui est celle de la bagnole.


Ma voiture, c’est mon chez moi. Y porter atteinte, c’est une violation de domicile. Je ne comprends plus ce que l’on attend de moi, je comprends néanmoins que les gens qui décident ne prennent pas en compte mon problème vital.


Je suis dans une impasse. Donc, en colère, qui est le mode d’expression de ceux qui ne voient pas d’issue à une difficulté. Je ne vois pas d’autre issue que de renverser la table.


Tout Français étant un automobiliste la sympathie était acquise aux Gilets jaunes.


Transformer ce signe de détresse routier en une revendication sociale sur le pouvoir d’achat ou la fiscalité est un exercice périlleux auquel se sont livrés des charognards professionnels de la récupération politico-sociale qui n’avaient pas pu mobiliser sur ces thèmes malgré leurs efforts pitoyables. On pense à la déferlante annoncée par Mélanchon, et aux imprécations de Mme Le Pen ou du triste sire Dupont-Aignan. mais aussi aux menaces du sieur Martinez.


Les mots d’ordre appelant à la haine du riche, du Président, des institutions ne traduisent que l’impuissance des petits roquets de la politique à convaincre leur clientèle. Tout ceci est dérisoire et sans avenir car la France est championne du monde de la redistribution.


Ainsi ce n’est pas par plus d’impôt que la situation pourra s’améliorer, mais par une meilleure gestion des deniers publics.


Il reste que la société française manifeste aussi son hostilité à l’égard de ses représentants qui en sont chargés. La raison est que ceux-ci lui paraissent sourds à son problème de fond. Ce problème porte un nom. Il s’appelle précarité.


Dans le monde moderne, tout change plus vite que jamais. Sous le nom de mondialisation se produisent les coups de boutoirs de plusieurs révolutions :

- celle de l’information immédiate et encore accélérée par l’image, mais qui est aussi globale et falsifiable;

- celle de la production, de la distribution et des services qui intègrent la technologie informatique;

- celle de l’émergence de nouvelles puissances qui induit une redistribution de la prospérité;

- celle de la génétique, qui ouvre des interrogations sur la nature même de l’humain;

- celle de l’interdépendance des économies.


Et au delà de ces grandes mutations, il y a les crises autour des oppositions culturelles, des flux migratoires, des guerres de religion, et cerise sur cette pièce montée la déliquescence de l’Europe, ont tendance à rendre le monde autour de nous plus incertain.


La vulnérabilité qui résulte de la précarité est perçue comme une injustice dans notre pays. Un des derniers sur la planète, il présente, en face de la population soumise au lot commun de l’incertitude du lendemain, une classe privilégiée qui jouit de protection totale. Elle peut revendiquer le droit exorbitant de ne pas changer d’emploi sa vie durant. Ce sont les fonctionnaires garantis d’un revenu viager.


Il n'est pas surprenant que l'on ne compte pratiquement pas de membres de la fonction publique chez les Gilets jaunes.

Sont aussi, privilégiés de second rang, les salariés cadres dont les revendications tendent à rejoindre la situation des fonctionnaires, sans toutefois y parvenir. Les uns et les autres jouent contre les chômeurs et autres inactifs.


Il n’y a pas de potion magique qui ferait disparaître la précarité, en revanche, si l’insolente et injustifiée protection dont bénéficient certains était abolie dans une sorte de nuit du 4 août, le sentiment d’une société plus juste pourrait s’établir.


Pour éviter que l’on en vienne là, les privilégiés tentent de canaliser la colère des insatisfaits contre des riches. En cela, ils ne font qu’aggraver le marasme économique, car si les riches le sont devenus c’est d’abord par l’effet de leur utilité sociale.






 
 
 

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