Ce que signifient les insignifiants.

Rarement un phénomène a fait l’objet d’autant d’explications aussi péremptoires que contradictoires que celui des « Gilets jaunes ».

On les a vus : pacifiques primo-manifestants, mais aussi casseurs violents d’extrême droite à moins que ce ne soit d’extrême gauche ; rejetant les récupérations politiques tout en les attirant comme un pot de miel des mouches ; automobilistes en colère à la perspective de ne pouvoir rouler, qui par antiphrase bloquent la circulation ; revendiquant du pouvoir d’achat, tout en interdisant l’accès aux commerces ; déterminés à aller jusqu’au bout, sans savoir dire lequel ; et enfin, avides d’être entendus, sans avoir quelque chose à dire.

Bien entendu tous les experts en manipulations médiatiques ont surajouté leurs propres obsessions et fantasmes. Ils ont fait des « gilets jaunes » des anti-riches viscéraux que l’annonce du rétablissement de l’ISF aurait eu le pouvoir miraculeux de faire rentrer au bercail. Ils en ont fait aussi des militants férus de droit constitutionnel revendiquant des Référendums d’initiative citoyenne, potion magique qui les aurait guéris de leur abstentionnisme chronique.

On glosera encore longtemps sur la signification du fait de société de l’automne 2018. Il restera que ce sont des gens sans importance qui ont crié aux élites dirigeantes leur angoisse de n’être pas dirigés sensément et leur lassitude d’entendre démolir leur univers sans jamais entrevoir de possibilité d'en voir reconstruire un autre.

À cet égard le prix du carburant a été un élément déclencheur, car il porte sur un élément vital du quotidien. Sous l’Ancien Régime les jacqueries étaient déclenchées par les hausses de prix du grain.

On a traduit cela en problématique du pouvoir d’achat, c’est trop large car globalement le pouvoir d’achat a augmenté, et ce ne sont pas les plus pauvres qui ont bougé ; mais c’est trop étroit, car la question du sens d’une existence laborieuse était posée.

Il faudra que les importants qui nous gouvernent le reconnaissent un jour, la signification d’un mouvement des « gilets jaunes » n’est rien d’autre qu’une exigence de sens de la part de gens insignifiants.

Ni plus, ni moins. Pas plus, mais c’est essentiel du fait que cette aspiration profonde interdit de truquer le jeu, comme on le fit en présentant des coups de matraque fiscaux sous l’habillage vertueux de l’écologie. Et pas moins, car la politique, c’est justement donner un sens merveilleux aux efforts que l’on demande aux citoyens. Cela s’appelle apprendre à gouverner.