Oui à l’élite, mais pas n’importe laquelle
- André Touboul

- 30 déc. 2018
- 2 min de lecture

La méritocratie telle qu’elle est pratiquée en France est l’objet de critiques. Certaines sont fondées, d’autres ne le sont pas.
Il est vrai que déterminer exclusivement le rang social d’un individu par un concours passé autour de 25 ans est une aberration qui conduit à un régime d’imposture où inévitablement des personnes incapables occupent des fonctions pour lesquelles elles ne sont pas qualifiées.
Laurence Peter a énoncé le principe qui porte son nom et veut que du fait que le succès induit un avancement, dans toute organisation, les postes ont tendance à être occupés par des incompétents… si, suppose Peter, l’échec n’entraîne aucune rétrogradation. Bien entendu le principe est contredit si le système sanctionne les défaillances.
On comprend donc que dans une société dans laquelle l’avancement dépend uniquement d’une performance initiale, jamais remise en doute, le rang de sortie de l’Ecole donnant droit à certains postes, le risque de défaillances est maximisé, et celles-ci sont plus graves et nombreuses.
Il en résulte un mécanisme de défense de caste qui tend à dissimuler les carences de ses membres et transforme les échecs en performances exemplaires. Pour pérenniser leurs positions, ils ont également tendance à s’instituer en modèles d’excellence, allant jusqu’à revendiquer la supériorité de l’exception française pour échapper à toute comparaison.
Il est aussi clair que dans une méritocratie tout dépend du mode de sélection. Si l’élite se coopte par le contrôle de la possession de codes qui sont ceux d’un groupe social fermé et dominant, la légitimité de la méritocratie est biaisée. Là aussi gît une cause déficience, car l’élite de pouvoir ne peut accomplir sa tâche avec efficacité si elle est perçue comme illégitime.
Il est en revanche impossible de prétendre sérieusement que l’on réglerait le problème par la suppression de toute culture afin de permettre à tous d’accéder aux responsabilités. Ce serait remplacer une mauvaise méthode par une pire qui placerait l’absence de toute compétence au dessus d’une compétence déficiente.
Afin de s’assurer que la méritocratie chemin d’accès à l’élite soit le fruit d’un concours ouvert et aussi permanent que la formation pour les autres métiers, il faut au préalable ouvrir les modes d’accès au pouvoir. Tant que, comme c’est le cas en France, toute véritable puissance passera par l’Etat, le contrôle de l’Etat sera la voie royale et en fait le chemin unique pour faire partie de l’élite.
La première condition de récréation d’une élite légitime est de mettre fin au régime bureaucratique. Or c’est exactement le contraire qui s’est produit en France où ce sont les administrateurs qui exercent le pouvoir politique et aussi administratif.
Cette confusion accentue une hypertrophie étatique qui entre autres méfaits tend à réduire de plus en plus l’accès à l’élite de pouvoir. Un cercle vicieux.
Pour restaurer la démocratie, il est urgent de remettre les bureaucrates à leur place, et à cette fin exiger d’eux un choix définitif entre les carrières administratives et politiques.
On verra alors que soudain les critiques contre les mandats multiples et renouvelés s’évanouiront. On entendra mieux les voix qui aujourd’hui murmurent que la politique est un métier, qui certes doit être largement ouvert, mais qu’il est illusoire de le faire pratiquer par des néophytes sans grave dommage pour la démocratie elle-même..
Réconcilier les Français avec leurs représentants est la réforme la plus urgente et importante qui soit. Hélas, nul ne l’entreprend.
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