L’idéologie du démérite
- André Touboul

- 8 janv. 2019
- 2 min de lecture

Depuis que l’omerta a été levée sur l’élite française de pouvoir et qu’il est permis d’en parler sans être taxé de populisme, sa légitimité a bien entendu été mise en cause.
En particulier, la critique s’est portée sur son mode de recrutement. Nul ne conteste qu’il s’agisse d’une méritocratie, mais au-delà de ce constat trois types de critiques sont possibles.
L’une d’elles consiste à contester le bien-fondé du mode de sélection qui privilégie les membres d’une catégorie sociale possédant les codes et éléments de langage qui vont bien, ceux qui sont requis pour l’admission dans les hautes écoles, passages obligés pour entrer dans l’élite de pouvoir.
Une autre porte sur le caractère exclusif des voies d’accès au postes essentiels de l’Etat.
Enfin, l’absence de remise en cause au cours de la vie, le rang obtenu autour de 26 ans détermine une hiérarchie pratiquement définitive.
Les deux dernières critiques relèvent du bon sens et il est assez simple de convenir de la manière d’y porter remède. Tout d’abord par une vraie ouverture des recrutements par une réforme du « tour extérieur », le mal nommé car il est aujourd’hui réservé aux fonctionnaires, et signifie que « l’intérieur » c’est l’ENA à laquelle est réservée 70% des postes d’administrateurs civils. D’autre part il est urgent de mettre en œuvre l’exigence d’une remise en cause de type formation continue à l’image de ce qui se pratique dans d’autres professions.
La contestation du mode de détermination du mérite est plus délicate. Elle conduit certains à prôner un rejet total de toute culture, au prétexte qu’il s’agirait d’une culture de classe. Cette renaissance de la lutte des classes est un retour de la pensée du 20ème siècle. Une idéologie paresseuse, car elle dispense de poser la question des efforts qu’il est nécessaire de faire pour donner à la culture le plus large accès possible.
En réalité, la culture prêtée à nos technocrates que certains de leurs pairs comme Fabius ou Attali considèrent comme décérébrés, est une non-culture. Dans la mesure où l’on considère que la culture est une ouverture de l’esprit, nos technocrates formés à l’école où on leur apprend « d’avoir toujours raison », sont des esprits obtus.
Pour se moquer des sophistes, comme le fit Socrate en son temps, Arthur Schopenhauer écrivit « La dialectique éristique, ou l’art d’avoir toujours raison ». Cette technique s’affranchit de la logique et de la philosophie et donc de la recherche objective de la vérité. On devrait, sans cesse lire et relire ce bréviaire pour être moins dupes de nos énarques que l’on dit brillants mais qui ne sont que clinquants.
Le drame des bureaucrates est qu’ils n’ont plus d’idéologie qui vaille, ne reconnaissent plus leur droite de leur gauche, mais qu’il leur reste une formation dialectique qui leur interdit de douter. En somme, c’est une élite d’imposteurs.
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