La somme de tous les possibles
- André Touboul

- 8 janv. 2019
- 4 min de lecture

La force irrésistible des populistes est qu’ils exhortent le peuple en dénonçant des privilégiés au discours socialisant qui vivent sur son dos, en prétendant œuvrer à faire son bonheur avec toujours plus de bureaucratie.
Les socialistes n’ont pas su faire leur aggiornamento pour se convertir à la social-démocratie. Le Monde a évolué à une vitesse sidérante. Ils continuent à le croire comme il était au 19ème siècle. Ils s’adressent à lui avec des outils intellectuels dépassés et deviennent inaudibles. Leurs bons sentiments sonnent faux, même quand ils sont sincères.
Ce qu’ils n’ont pas compris est que le temps de la pensée dialectique d’opposition des contraires, de la culture du conflit, qui a ravagé le 20ème siècle est révolu. L’aspiration populaire est à une libération individuelle qui loin de s’opposer à l’intérêt collectif le construit. La société espérée n’est pas la somme de tous les malheurs, mais celle de tous les possibles. Incapable de s’affranchir de ses réflexes collectivistes, le socialisme français ne propose que plus de contraintes.
Bien entendu, nul ne croit sensément en une disparition des règles de vie en société, le modèle libertarien est utopique, mais la fiction, qui voudrait que l’Etat, agissant par ses serviteurs les fonctionnaires, détienne la solution de toutes les attentes, est périmée.
Entre la disparition de l’Etat et le tout-Etat, il peut exister un État de droit.
Celui-ci est fondé sur la liberté de chacun respectueuse de celle d’autrui. La société socialisante concède aux individus une liberté des mœurs sans limite, mais refuse tout crédit à l’homo economicus, dont les initiatives sont supposées mauvaises avant même d’être entreprises.
Ainsi l’individu aurait deux cerveaux. L’un qui dans sa sexualité et sa vie familiale le rend infaillible. L’autre qui dans son activité professionnelle, le conduit au pire.
Ce qui doit de toute urgence être repensé, c’est la relation entre l’individu et la société, La solidarité ne sera qu’une conséquence de ce nouveau contrat.
Il ne s’agit pas d’un mi-chemin entre l’Anarchie et Kafka, ce ne serait qu’un bouillon tiède.
Il faut jeter les bases d’un nouvel humanisme qui soit autre chose que celui des robots.
Pour cela, il est inacceptable de s’en remettre à des comités d’éthique composés de techniciens et d'experts. C’est au contraire le citoyen lambda qui doit s’exprimer. Mais ne lui demandons pas de le faire directement, alors qu’il n’a pas les moyens de conceptualiser ce qu’il veut, bien que ses aspirations le travaillent plus profondément que bien des esprits qui se croient supérieurs.
L’expression des désirs d'une époque est de la responsabilité des artistes, des littérateurs, et des intellectuels qui doivent les rendre palpables à travers leurs œuvres. S’ils ne le font pas, ils ne servent à rien.
Alors, il faut exhorter ce petit monde de la pensée à cesser de regarder dans le rétroviseur pour critiquer une société qui a disparu, et le prier de nous expliquer quel peut être l’individu de demain.
Si c’est celui de Georges Orwell, non merci.
Alors, un peu d’imagination.
En tant que consommateur l’individu jouit d’une fausse liberté, sa solitude est celle du mouton. Le rendre plus libre, ce n'est pas de lui proposer un retour à l'âge des cavernes, c’est l’informer des tenants et des aboutissants de sa consommation. Désormais, les moyens techniques existent pour que chacun ait accès à tous ce qu'il doit savoir pour être responsable.
Dans sa vie affective, l’individu ne peut espérer de remède à la solitude que dans sa famille. L’évolution se constate par les thèmes du cinéma américain. Les héros ne défendent plus leur communauté, ils ne sauvent plus la planète, tout ceci est dépassé, leur valeur suprême est leur famille. Après un siècle de destruction, la cellule familiale apparaît désormais comme le dernier château, le seul pour lequel l’individu peut et doit accepter de sacrifier sa vie, et parfois celle des autres. Les deux films qui ont fait le plus d'entrées en France, plus de 5,5 millions chacun, sont Les Tuche, et La Ch'tite famille.
Entre 2008 et 2016 le nombre de divorces a diminué aux USA de 18 %, inversant une courbe jusque là sans cesse croissante. Il apparaît que dans ce pays les baby-boomers marquent un pic dans les divorces quel que soit leur âge. Après une période de décomposition de la famille, il semble que l'on assiste a son retour dans les statistiques.
Ce changement à 180° dans l’imaginaire occidental a des conséquences qui n’ont pas été mesurées. C’est un bouleversement de l’éthique dont ils s’agit. Le lieu de réalisation du bonheur est, qui l’eut dit il y a quelques années, la famille.
Les libertés individuelles doivent s’y adapter.
Protégé par son cadre familial, qui est sa seule défense, l’individu n’est plus livré comme un consommateur à des problématiques de procréation sans limites. Il faudra en tenir compte.
Au plan économique, la liberté des échanges rend obsolète la bureaucratie. Il est temps qu’elle rende les clefs du pouvoir absolu qu'elle détient abusivement. Cela signifie qu’il faut qu’elle cesse d’agir a priori. Les gouvernants doivent faire confiance aux individus. Ce ne sont pas les excès qu’il faut craindre ni empêcher, ce sont là des déséquilibres salutaires. Mais bien entendu, les actes qui sont nuisibles doivent être sanctionnés. Telle est la différence entre l’Etat bureaucratique et l’Etat de droit. Le premier décide tout à l’avance, le second fait respecter la loi commune qui n’outrepasse pas le nécessaire.
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