Edouard Philippe, le saboteur du quinquennat
- André Touboul

- 19 janv. 2019
- 3 min de lecture

L’histoire ne bégaie pas, mais les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets. En 1995 Alain Juppé Premier ministre droit dans ses bottes, met la France dans la rue. En 2018, son fidèle disciple Edouard Philippe, au même poste réédite l’exploit.
Une différence cependant. Chirac avait laissé Juppé endosser la responsabilité de l’échec d’une réforme mal fagotée, et mal vendue. A l'opposé, Macron s’est retrouvé seul tête de Turc de la jacquerie des Gilets jaunes.
Edouard Philippe ? Sa discrétion est stupéfiante. On jurerait qu’il n’existe pas. Il pleut averse, mais n’est pas mouillé, car il n’est pas là.
Pourtant, la baisse de cinq euros des APL, cette provocation, c’était lui ; les 80 km/h c’était lui ; la résistance à garder le cap sur la taxe carbone, encore lui. Et la distribution excessive sur le pouvoir d’achat devant les Gilets jaunes, véritable sabotage de l’image de sérieux que la France commençait à reconquérir, c’est à lui qu’on la doit.
De tout cela, il sort indemne. Son habileté est sa loyauté ostentatoire. Une manière sournoise de se défausser sur le Président qui s'y est laissé prendre, par naïveté ou orgueil.
Depuis sa déclaration de politique générale de juillet 2017 après laquelle il dut rétropédaler sur le report des baisses d’impôt, Philippe a toujours fait mine de n’être qu’un exécutant.
Mais l’homme de Bercy, c’est lui. Il est aux yeux de la Haute Administration, le vicaire de Juppé, dont il fut le porte-parole, et il est bien plus légitime que Macron à en être le substitut.
Quand Macron hésite sur le prélèvement à la source, c’est finalement lui qui vient annoncer que la réforme voulue par les Finances aura lieu. Ceci montre qu’il a vaincu la réticence du Président, mais surtout confirme que la voix de Bercy, n’est pas Bruno Le Maire, et encore moins Darmanin, simples exécutants, mais bien Edouard Philippe.
Il ne s’agit pas de suggérer ici que Macron obéit à Philippe, mais face à l’homme de Bercy, Jupiter lui-même ne fait pas le poids. Il le fait d’autant moins que le procès en autoritarisme, commencé dès son élection, et le scandale Benalla l’ont passablement affaibli.
On dit que depuis l’instauration du quinquennat, le premier ministre cesse d’être un fusible, et que désormais c’est le Président qui est un paratonnerre. Pourtant Jean-Marc Ayrault a prouvé le contraire ; en laissant la place à Manuel Vals, il a donné un peu d’air à Hollande.
Si Macron veut reprendre la main face à la cohorte de hauts fonctionnaires qui dirigent le pays, il doit congédier Edouard Philippe. Ensuite, il doit choisir comme premier ministre un « non-énarque », qualité indispensable pour reconquérir la confiance du pays. Que l’on se rassure, il y aura des candidats, car plus de politiques qu’on le dit ont le sens du devoir républicain.
Cela sera une déclaration de guerre aux Grands Commis qui le prendront comme un coup d’Etat, car l’Etat, c’est eux. Ils ne resteront pas inertes. Et les actions de sabotage sont à prévoir. Mais pas plus car le courage n’est pas ce qui caractérise nos bureaucrates.
Dès lors, après Philippe, le Président devra remplacer un nombre suffisant de hauts dignitaires pour rétablir son autorité. L’erreur de Macron a été de s’imaginer qu’il allait entraîner à la suite de sa victoire électorale l’essentiel de la haute Administration, alors que celle-ci n’a cessé de le considérer comme un préposé indocile.
Une épuration, donc, n’ayons pas peur des mots. Mais pas seulement. S’il ne veut pas rester seul contre tous, Macron devra se rapprocher du Sénat que les technocrates veulent supprimer ou réduire à rien. En effet, l’image de compétence et de proximité des sénateurs reste vivante et indispose la bureaucrature. Le Sénat est la dernière planche de salut du Président de la République. La tentative du Président de séduire les maires de France dont il a fait les poches, et coupé le lien avec leurs électeurs, en supprimant la taxe d’habitation sur les conseils de ses glorieux énarques, n’a aucune chance d’aboutir. Quelle que soit la bonne volonté des élus locaux, ils ne sont plus qu’une armée de mendiants qui désormais dépendent des aumônes de Bercy.
Le seul atout maître d’Emmanuel Macron dans la sombre conjoncture présente est qu’une opération, identique à celle qui a écarté Hollande et l’a lui-même porté au pouvoir à partir du néant, ne peut se réaliser deux fois de suite. S’il a le courage de leur tenir tête, et de se ménager des alliés chez les élus, les technocrates devront se soumettre faute de solution alternative. Alors, et alors seulement, la réforme de la dépense publique et celle de l’Etat pourront être esquissées.
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