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Pour qui roule Alexandre Benalla ?

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 21 févr. 2019
  • 4 min de lecture

Le Grand Débat est une réussite. Il faut l’admettre, c’est une surprise. On attendait une foire d’empoigne, la surenchère des démagogies, c’est la pondération et la réflexion citoyenne qui surnage. Il y a évidement des propositions farfelues ou irréfléchies, mais la qualité de ce qui est évoqué tranche avec les imbécillités, les injures et les braillements indignes et haineux des Gilets jaunes qui ont noyé les revendications initiales de ce mouvement.


Ce débat a été voulu par Emmanuel Macron comme un contre-feu à la monopolisation de la parole par la rue qui remplit un rôle déserté par une opposition dont le silence est assourdissant. Non que les leaders habituels ne s’expriment pas, mais ils sont totalement inaudibles. Pis, ils paraissent désormais à la remorque de casseurs dont ils ne savent pas se démarquer. Ainsi Dupont-Aigan y va de son appel au meurtre vis à vis des députés de la majorité LRM. De l’humour, selon lui. C’est la preuve que le dirigeant de Debout la France a perdu l’esprit, car, même comme tentative pathétique de faire oublier qu'il est lui-aussi un énarque (1989), il est inconcevable d'attiser la haine au mépris de la loi pénale* qui punit de 5 ans d'emprisonnement et de 45.000 € d'amende ceux qui par des discours dans des lieux publics auront provoqué à commettre des atteintes volontaires à la vie ou a l'intégrité de la personne... au cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet. Dans le cas où cette provocation est suivie d'effet, la sanction est celle du complice, c'est à dire la même que pour l'auteur du crime.


Il résulte du contraste entre Grand Débat et Gilets Jaunes un soulagement. Le peuple français n’a pas rompu avec le goût de la modération qui est sa vertu traditionnelle. En cédant quelques milliards aux énervés, puis en mouillant la chemise avec un talent incontestable Macron a repris la main, alors qu’on le disait perdu.


On a critiqué les « cadeaux » faits aux turbulents, mais ce sont essentiellement des diminutions d’impôt, en eux-mêmes économiquement sains. Ce qui pourra être condamné est la compensation fiscale que les bureaucrates préparent au lieu d’imaginer des réductions de dépenses publiques.


Mais là gît le lièvre. On sait, car il l'a écrit, que Macron souhaite procéder à la réforme de l’Etat, en changer la gestion, rompre avec la gabegie des deniers publics qui sont le sang et la sueur des Français. Ce programme a été annoncé, mais en aucune manière initié. Les hauts fonctionnaires, qui ont aidé à l’avènement du Président, espéraient bien qu’il ne pourrait pas y procéder. Toutefois, la majesté de la fonction le saisissant, Macron Président a très vite déclaré sa volonté d’indépendance. « Je n’ai pas de monnaie à rendre » déclarait-il, dès son premier interview à l’hebdomadaire Le Point, en 2017. Il ne se voulait pas César, promu par les prétoriens, mais Jupiter.


Hélas, sa volonté de pratiquer le spoil-système s’est heurté à une évidence. Il ne pouvait compter que sur la haute fonction publique pour mettre en œuvre sa politique, et en tout cas il ne pouvait agir sans elle et bien entendu pas contre elle.


Pour lui rappeler cette évidence, et rabattre son caquet, les bureaucrates ont exploité un atout nommé Benalla. Une carte que leur a opportunément offerte l’inévitable amateurisme de l’entourage d’un homme nouveau. Cet arcane, on allait le voir utilisé régulièrement dès que la popularité du Président reprenait des couleurs.


Le citoyen moyen avait ainsi appris avec ahurissement l’affaire du coup de poing du premier mai d’un collaborateur du Président de la République. Il n’en crut pas ses oreilles quand on lui parla de la vidéo baladeuse passée par des mains élyséennes. Son effondrement fut total en découvrant que l’on pouvait conserver et utiliser des passeports diplomatiques en dehors de tout contrôle.


Mais ce n’était pas la fin. Il y avait dans les tiroirs de Médiapart une bande enregistrée de conversation entre Monsieur B et Monsieur C à qui les Juges d’instruction avaient interdit de communiquer.


Le grand moment de solitude du citoyen survint enfin (?) quand il se révéla que l’officier chargé de la sécurité du Premier Ministre, aurait trempé dans cette épisode et qu’un scandale en cachant un autre, il y aurait eu des « contrats » avec des « oligarques proches de Poutine », ce qu’en Russie on appelle un pléonasme. Et, point d'orgue de dernière minute, voilà l'individu emprisonné pour non respect de son contrôle judiciaire.


On a comparé l'ex factotum au sparadrap du Capitaine Haddock, mais l’on peut surtout se demander : pour qui roule Benalla ? De toute évidence, pas pour Macron. Pour l’heure les bénéficiaires de ce ludion que l’on fait resurgir périodiquement pour contrôler la liberté du Président, ce sont ceux qui refusent la réforme de l’Etat, parce que l’Etat, c’est eux. Ne cherchez pas les noms au delà des ministres énarques, ils vivent bien à l’abri d’un confortable anonymat et préfèrent se nommer « Service Public ». L’ennui, c’est que cette couverture a désormais plus de trous qu’acceptable eu égard à son coût. En somme, on fait payer au contribuable un cache misère au prix du manteau de vison.


Il faudra plus qu'un Benalla pour continuer à faire diversion, car ... trop c’est trop, à force d'avoir été usé et abusé le pion Benalla est déconnecté de Macron qui apparaît désormais avoir été sa victime, et l'on voit bien quels intérêts il sert. Autrement dit, à qui le crime profite.



* Loi du 29 juillet 1881

article 23

Seront punis comme complices d'une action qualifiée crime ou délit ceux qui, soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique, auront directement provoqué l'auteur ou les auteurs à commettre ladite action, si la provocation a été suivie d'effet.

article 24 : Seront punis de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ceux qui, par l'un des moyens énoncés à l'article précédent, auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n'aurait pas été suivie d'effet, à commettre l'une des infractions suivantes :

1° Les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne et les agressions sexuelles, définies par le livre II du code pénal ;




 
 
 

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