L’art du contre-pied, le pas de danse du monarque
- André Touboul

- 19 mars 2019
- 3 min de lecture

Conduire la France depuis l’Elysée est un art difficile plus proche de la mission impossible que du contrat démocratique passé avec les électeurs pour l’application d’un programme de gouvernement.
Les critiques qu’encourt le Chef de l’Etat sont contradictoires. On lui reproche de ne pas s’exprimer, et en même temps d’être trop présent. De mal expliquer sa politique, et tout autant de communiquer trop ; d’être le jouet des événements et aussi de faire preuve d’autoritarisme ; d’être un monarque hautain, et de parler cash ; de mépriser le peuple, et simultanément de vouloir le séduire. Ce ne sont là que des exemples ; la liste des exigences contraires à l'endroit du Président n’est d’ailleurs pas close et toujours en cours d’écriture.
Dans cet état de fait, la seule voie de salut du Président de notre République est de toujours surprendre. Pendant que les éditorialistes, qui croiraient déchoir s’ils se montraient bienveillants, tentent de comprendre et d’expliquer ses faiblesses, il est déjà loin. Ailleurs. Sa démarche obligée consiste à pratiquer l’art du contre-pied. Il ne doit jamais être là où on l’attend.
Dans cet exercice Emmanuel Macron se montre magistral. En répliquant aux Gilets jaunes par un débat national où il s’est impliqué, il a déconcerté et répondu crânement à ceux qui demandaient sa démission qu’il répondait plus que jamais présent.
Les médiâtres ont tant et tant répété en trépignant d’impatience que le Grand Débat devait se conclure par des résultats et qu’il fallait s’attendre à des hausses d’impôts, que l’on peut gager sans risque d’être démenti qu’il n’en sera rien. La marque de fabrique de Macron est de ne jamais être là où il est attendu.
Sans doute reviendra-t-il pour la symbolique sur les 80 km/heure, mais pour le reste, il ne se laissera pas dicter une politique économique qu’il sait vouée à l’échec, et contraire à celle qu’il prône en rupture avec ses prédécesseurs.
Pour les questions constitutionnelles, gageons qu'il bottera en touche. En soumettant un texte au Congrès ou à un référendum. Dans le premier cas, la Droite sénatoriale, qui est déjà dans les cordes, sera piégée et obligée de s’incliner sous peine d’endosser la responsabilité de s’opposer aux aspirations du peuple émanant du Grand Débat. Et ce sera l’échec de la démocratie représentative face à la démocratie directe. Dans le second, soit le référendum sera positif donc un succès, soit ce sera l’occasion de constater une fois encore qu’il y a une sérieuse différence entre les débatteurs, les crieurs de rue et les votants.
On prédit dans le microcosme parisien une énorme déception, que l’on dit "à la mesure des attentes". Et l’on redoute un regain des manifestations de rue. Mais la principale attente des "excellents Français", chantés par Maurice Chevalier, semble bien être qu’on leur "foute une bonne fois la paix".
A en croire ceux qui leur promettent le "changement dans la continuité", comme Giscard, la "rupture" comme Sarkozy, le "changement pour maintenant", comme Hollande, les Français veulent que cela change, sans doute parce qu’ils constatent que l’on ne peut continuer plus longtemps sur les mêmes bases. Néanmoins, dès que l’on veut modifier quoi que ce soit à leur quotidien, les voilà prêts à retrouver leur âme de sans-culottes pour monter à l’assaut des Bastilles du pouvoir, voire couper des têtes. En d’autres termes, chacun souhaite que le changement qu’il présent inéluctable soit opéré exclusivement aux dépens des autres. La réforme idéale serait celle qui "en même temps" ne change rien pour personne.
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