Le Brexit, un scénario écrit par Alfred Hitchcock pour une pitrerie jouée par Jerry Lewis.
- André Touboul

- 19 mars 2019
- 3 min de lecture

A ceux qui s’étonnaient que les Britanniques aient chargé Theresa May, partisane du “remain“, d’organiser le Brexit, on répondait avec condescendance qu’ils ne comprenaient rien à la démocratie anglaise dont la vertu suprême aurait le pouvoir de conférer les meilleurs des talents à un dirigeant pour mener une politique qu’au fond il estime mauvaise.
La preuve contraire est faite. Madame May s’y est prise de travers. Et à quelques jours de l’échéance nul ne sait quelle sera l’issue de l’affaire.
Devant le Parlement, la dame du 10 Downing Street, qui n’a pas révélé une pugnacité comparable à celle de Margaret Thatcher qui avait la force de ses convictions, en est venue à utiliser la méthode de Sherlock Holmes : éliminez toutes les solutions impossibles et vous aurez la solution. Hélas, en l’occurrence, pour le Brexit, il ne reste aucune option. Si ce n’est de renoncer.
Il serait cependant indigne que les Britanniques reviennent sur leur décision de sortir de l’Union, après une séquence mélodramatique qui semble écrite par le maître du suspense Alfred Hitchcock interprétée par le virtuose des pitreries Jerry Lewis, dont on se souvient du fameux : Retenez-moi, ou je fais un malheur.
Las ! Les meilleures comédies sont les moins longues. Il est temps d’en finir. Les membres de l’Union devraient avoir le cran de dire non à une prolongation du délai au-delà d’une date très proche où le Royaume-Uni aurait encore la possibilité de signer l’accord négocié.
De fait, les 27 n’ont jamais été aussi unis que sur la question de la sortie du 28ème. L’Union n’explosera pas. On peut même dire que la Grande Bretagne a rendu un fier service à l’Europe en illustrant à quelles absurdités pouvaient conduire un populisme exacerbé, et un usage irréfléchi du référendum.
Une rupture sans accord, un no deal, ne serait pas, au demeurant, une si mauvaise solution. Le spectre de la catastrophe économique que l’on ne cesse d’agiter est un démon de papier. On parle de rétablissement des droits de douane, mais rien n’oblige les Britanniques à en instaurer, en tout cas immédiatement. Ils peuvent aussi décider unilatéralement de suspendre, de facto, toute formalité pour des biens et services en provenance de l’Union.
De son côté, l’Union européenne serait bien avisée de faire de même.
En d’autres termes, que se passera-t-il le lendemain du Brexit ? Réponse : rien.
Il ne suffit pas d’inverser le problème pour qu’il n’existe plus. Car, bien entendu, il sera possible de rétablir progressivement des contrôles et des droits de douanes de manière sélective.
Du point de vue de la circulation des personnes, rien ne sera changé puisque Londres ne fait pas partie de l’espace Schengen, et que l’on a trompé les Britanniques en agitant le spectre du plombier polonais. Notons que les Français que l’on dit si crédules ne sont pas tombés dans ce panneau quand il y a quelques années on leur a tendu ce piège grossier. Il est clair que les flux migratoires ne se produisent que quand l’économie du pays d’accueil y est favorable… l’étranger ne vient pas manger le pain des nationaux, il vient le plus souvent comme dans le sketch de Fernand Raynaud exercer le métier délaissé de boulanger.
Le cataclysme annoncé n’aura pas lieu. Pas tout de suite. Ce n’est que progressivement que les décisions d’investissement des entreprises qui ont besoin de visibilité auront un effet. Et ce n’est qu’à terme que le Royaume-Uni constatera que les normes européennes s’imposeront à lui.
Mais comme disait Kipling, ceci est une autre histoire.
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