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Leur “justice fiscale“, c’est la pauvreté pour tous.

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 19 mars 2019
  • 4 min de lecture

Les termes les plus galvaudés et dans lesquels chacun met ce qui le favorise, ou ce qu’il croit tel, sont ceux de “justice fiscale“.


Le mot “fiscal“ et celui de “justice“ forment un attelage hétérogène.


La justice se doit d’être le lieu où se rétablissent l’égalité et l’équité supposées perturbés par les mécanismes sociaux. Du point de vue de l’égalité, c’est celle de tous devant la loi ce que la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789 exprime ainsi en son article 1er : Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit. Ce principe est repris dans l’article 7 de la Déclaration Universelle de 1948 qui interdit toute discrimination.


Pour l’équité, il s’agit de traiter chacun selon ses mérites dans sa contribution au bien commun, et l’article 1er précité poursuit par ces mots : Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune.


Quant à la fiscalité, son principe premier est d’assurer le financement des dépenses publiques qui par définition ne peuvent avoir d’autre finalité que de profiter in fine à la collectivité toute entière. Telle est d’ailleurs la limite de la redistribution qui n’est justifiée que par l’intérêt collectif et non celui d’une catégorie.


Ces éléments clairs s’assombrissent quand on entend donner à l’impôt une fonction morale, et en dévoyant, par le fait, la moralité dans une aventure où elle se compromet.


Par une idéologie datant du 19ème siècle où l’exploitation de l’homme par l’homme était le fondement du progrès industriel, et avec l’appui de la pensée christique qui demande de privilégier les pauvres invitant aussi à la détestation des riches, la justice sociale est devenue celle de Robin des bois : voler les riches pour donner aux pauvres.


Mais la société d’aujourd’hui n’est pas celle de la révolution industrielle, ni celle du moyen âge. Nous ne vivons plus dans le monde ouvrier de Zola mais dans un univers de consommateurs. Et la redistribution n’a, en vérité, que deux motifs. L’un, apparent, d’assurer la cohésion sociale, l’autre réel : favoriser la consommation de masse. L’idée étant qu’un riche ne mange pas plus de fois par jour qu’un pauvre, et que désormais les uns et les autres vont faire leurs achats dans les mêmes grandes surfaces. Henri Ford l’avait perçu dans les premiers en disant “mes employés sont les premiers clients de mes automobiles“.


La justice est aujourd’hui l’égalité devant le pouvoir d’achat ; l’idéal des distributeurs et des publicitaires est d’avoir une clientèle homogène et la plus large possible. Le même produit pour tous, telle est la société parfaite. Au demeurant, le “pour tous“ est devenu une incantation sans réplique de notre siècle : mariage pour tous, manif pour tous, pouvoir dans la rue pour tous. Ces slogans égalitaires en apparence exigent en fait que la loi abandonne son caractère essentiel, c’est à dire d’être la même pour tous. Désormais, la loi est différenciée, et le principe d’égalité devant la loi n’est plus qu’un souvenir qui s’estompe. La bonne loi est discriminatoire, elle use de ce que l’on appelle de la discrimination positive. L’égalité entre les sexes, avec les minorités, entre les revenus, les états de fortune, dans tous ces domaines la loi traite les uns différemment des autres.


Mais si l’on peut comprendre et approuver la discrimination par la loi, quand il s’agit de mettre fin à une situation d’oppression, le même principe appliqué à la fiscalité suppose que les revenus ou les économies des uns ont été mal acquis, i.e. “au détriment des autres“. On ne peut mieux dire que le système économique est inéquitable. Alors pourquoi le maintenir ? La réponse à cette question est simple : la liberté est le seul moyen efficace de faire “tourner“ la machine économique. Tous les autres systèmes dirigistes ont fait faillite en sombrant dans l’incurie bureaucratique.


Certes, toute création libre de richesse génère des inégalités. Mais il n’y a iniquité que si le processus de production ne rémunère pas équitablement les efforts de tous ceux qui y participent. En somme, s’il y a exploitation des uns par les autres. A supposer que ce phénomène existe aujourd’hui, ce qui reste à prouver, il n’est pas possible de dire qu’il est généralisé, et, s’il existe des dérives, leur solution est dans la régulation des rapports productifs ou dans la correction des imperfections du marché. C’est d’ailleurs ce que pratiquent la plupart des Etats, y compris parmi ceux qui ont le front de se déclarer libéraux.


La “justice fiscale“ que l’on invoque, en France ne se place cependant que du point de vue du résultat, comme s’il allait de soi. Les inégalités de revenu et de patrimoine sont ainsi le signe absolu d’une iniquité dans l’obtention des richesses que l’impôt doit réparer. Peu importe l’utilité de leur mode d’obtention. Tel est son crédo. Cela conduit par un enchaînement inéluctable à bloquer les mécanismes sains et, on le constate dans notre pays, au chômage massif et à la ruine économique. Ainsi l’utilité commune est bafouée.


S’il est évident que venir en aide à ceux qui ne parviennent pas à trouver une place dans l’appareil productif et la société, est un devoir collectif, qui incombe à ceux qui en tirent le meilleur parti, étendre la “correction fiscale“ à un infini indifférencié est une conduite d’échec, car quand elle méconnaît tant le principe d’efficacité que celui d’équité et en cela bafoue la justice, elle condamne le système productif, et annihile toute vitalité économique.


Ainsi, indépendamment des considérations de rendement qui veulent que l’Etat prenne l’argent là où il est, c’est à dire entre les mains des classes laborieuses, la “justice fiscale“, au sens qui lui est donné aujourd’hui dans notre pays, est une assurance de s’acheminer vers plus de pauvreté pour tous.


Vainement, les idéologues attardés agiteront les excès de fortune des hyper-riches, car à supposer qu’on les tonde bien à ras, il n’y en aura jamais assez pour nourrir les besoins d’une égalitarisation sans frein, sans compter ici les appétits d’un État boulimique.


Quand on parle de “justice fiscale“, il faut avoir l’honnêteté de l’avouer, c’est par avidité fiscale et ce sont les forces vives du pays qu’il s’agit de pénaliser, car c’est là où se trouve l’argent facile à prendre.


L’autre versant de la prétendue “justice fiscale“ est la redistribution dont il reste à prouver qu’elle est efficace. Or, notre pays est un des tout premiers en matière de redistribution et aussi de chômage de masse. Cette concordance devrait interpeller et conduire à se demander si la “justice fiscale“ n’est pas l’assurance de la pauvreté pour tous.







 
 
 

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