Mélancolie française
- André Touboul

- 19 mars 2019
- 2 min de lecture

Le sentiment qui prévaut à l’écoute des promesses de nos gouvernants est le scepticisme. On peine à croire que demain sera meilleur, ni pour nous ni pour nos enfants. Ce n’est pas la perspective d’une mondialisation qui seul explique ce pessimisme. Cette mélancolie française a une autre origine. C’est une résignation confuse qui veut que le jardiner lucide qui plante des pommiers ne doit pas s’attendre à récolter du raisin.
Faisons un rêve, et supposons un instant que l’on remplace, un matin, tous les énarques en place dans les rouages de l’Etat et des entreprises qui en dépendent, par des polytechniciens, et des ingénieurs. Le pays serait métamorphosé en peu d’années.
En effet, le mal profond de la politique économique française est son manque de créativité. On n’a jamais vu d’énarque découvrir un procédé ou un produit nouveau, ni fonder une entreprise pour les exploiter. Tout juste sont ils bons à s’emparer des postes des entreprises existantes, et jouer au petit financier avec le fruit de la créativité des autres ; il serait cruel d’en rappeler ici les résultats calamiteux.
Les énarques ne connaissent qu’un seul type de solution pour tout problème : l’impôt. Ils savent fort bien que « trop d’impôt, tue l’impôt », comme l’a très exactement dit... François Hollande (oui, lui !), mais ils ne savent rien faire d’autre.
Les polytechniciens ont leurs défauts, les ingénieurs les leurs, mais ils ont les uns et les autres une immense et irremplaçable qualité, ils ont un champ créatif infiniment plus vaste que les énarques.
Ceux-ci reconnaissent implicitement leur limite quand ils avouent que les mesures qu’ils infligent à la population sont les seules possibles. Qu’il s’agisse d’écologie ou de service public ou de traitement de la solidarité, ils n’ont qu’une et unique méthode : taxer. Cette monomanie les condamne. Dans les affaires humaines, et l’économie n’y fait pas exception, la créativité est la seule voie de progrès. On n’a jamais rien créé par l’impôt, on n’a jamais géré une entreprise productive par la taxe. C’est toujours avec l’imagination que l’on résout les problèmes.
L’innovation est ce dont nous manquons le plus. Dans les années 72-79, il existait en France une fondation pour l’innovation, dirigée par un mathématicien issu de l’école de l’air, mon ami Pierre Mialet. Giscard, la supprimera. Il existe aujourd’hui, une Fondation pour l’innovation politique, sous la houlette de trois énarques. Le moins que l’on puisse dire est que sa créativité est quasi nulle. Demander à des fonctionnaires d’être novateurs est inhumain, cela les confronte à une aventure qui est contraire à leur structure mentale. Quand un énarque comme Bruno Lemaire déclare qu’il va investir l’argent des privatisations dans les technologies d’avenir, on tremble. Il ne sait rien des technologies. Et surtout, pour son esprit formaté à l’école de la certitude, l’avenir, qui par nature est aussi multiple qu’imprévisible, est une terre inconnue.
Il ne sert à rien d’énumérer les mesures qu’il faudrait prendre pour éviter que la France ne continue de s’appauvrir, ce sont les bureaucrates dirigeants qu’il faut changer.
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