Shoah, entre le signe de Caïn et le complexe d'Abel
- André Touboul

- 19 mars 2019
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Ne rien oublier, ne rien pardonner, mais aussi ne pas ressasser pour éviter de banaliser. Le pire du pire est de mettre le génocide à toute les sauces, et de l’invoquer hors de propos. Il y a eu d’autres génocides, et notamment celui des Arméniens, mais aucun n’a été théorisé, assumé et pour ainsi dire moralisé comme celui perpétré par les nazis. En effet, à la différence des Nazis qui se glorifiaient d’exterminer les Juifs, les Turcs ont toujours et encore aujourd’hui, même devant l’évidence, voulu cacher leur forfait et contesté d’avoir génocidé le peuple arménien.
Jamais le peuple allemand ne pourra effacer son crime méthodique et industriel contre l’humanité. Jamais il ne pourra invoquer l’ignorance ou l’égarement passager. Ce crime le marquera à jamais, mais seulement comme jamais Caïn n’a pu expier le meurtre de son frère Abel. Et, si l’on en croit la Bible, nous sommes tous des descendants de Caïn. Le pêché originel le plus grave n’est pas l’acte de chair, mais la capacité atavique des hommes à s’entre-tuer, ce que plus d’une espèce animale dite sauvage ne fait jamais.
Alors, s’il faut toujours se souvenir de la Shoah, c’est pour ne pas oublier que si le peuple qui a enfanté Goethe, Mozart, Beethoven, et Hegel a été capable de cela, nous le sommes tous, car le signe de Caïn est sur notre front.
Il faut cependant aussi nous défier du complexe d'Abel, celui de la victime éternelle. Revendiquer le statut de victime est de nos jours un réflexe conditionné par l'air du temps. Plus victime que moi tu meurs ! On assiste à une compétition victimaire. Sa limite est que la compassion tous azimuts se perd dans la mièvrerie. A y regarder de près tout le monde est victime, peu ou prou. Mais, le monde vacille quand les victimes justifient leurs propres crimes par l'injustice dont elles sont l'objet.
Entre le signe de Caïn, et le complexe d'Abel, chacun doit se garder de déraisonner.
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