Qui a (encore) peur des enragés ?
- André Touboul

- 17 avr. 2019
- 2 min de lecture

Les Gilets jaunes ont grand tort de continuer leurs samedis plus fiévreux que nombreux. Au fur et à mesure de la perte d’affluence, l’influence s’amenuise, et l’indifférence s’installe. L’opinion est désormais mithridatisée. L’affaire finira dans les faits divers. Le 13 avril, il n’y avait en France que 35.000 participants, moins que les 40.000 coureurs du marathon de Paris, le lendemain. Dire qu’il s’agit du peuple devient ridicule. Et s’il n’y avait une participation de casseurs, on n’en parlerait plus.
Il aurait été plus efficient pour les contestataires d’interrompre leurs réunions hebdomadaires pour laisser planer la menace d’un réveil en fanfare lors des annonces du Président; cette remobilisation est aujourd’hui peu crédible.
« On ne lâchera rien » hurlent les Gilets jaunes, mais beaucoup les ont lâché. Ceux qui ont plié les gaules alors que les autres continuaient s’en sont dissociés. Il faudra plus qu’un mot d’ordre pour les ressouder aux enragés.
Certes, il existe encore dans les médias des commentateurs pour agiter le spectre du retour des loups-garous, mais c’est pour effaroucher le bourgeois, et le préparer à des annonces pressenties comme douloureuses. On note aussi de réelles inquiétudes dans les élites de pouvoir, mais celles-ci ont pour origine le doute que nos gouvernants nourrissent sur la pertinence de leur action et l'efficience des solutions qu’ils proposent.
Le propre des jacqueries est de s’essouffler avant de s’éteindre en renforçant le régime qu’elles exècrent.
Il ne faut pas être dupes, le pouvoir n’est pas mécontent de voir le mouvement s’éterniser. Il souligne, en contre-exemple, le caractère raisonnable du Gouvernement en place. Ils n’en sont pas eux-mêmes conscients, mais les Gilets jaunes sont les meilleurs agents électoraux d’Emmanuel Macron.
Voilà des gens pas commodes, mais bien pratiques. Ils n’ont aucun autre mot d’ordre que de brailler. Ils étaient censés représenter la France des oubliés, les ultra-périphériques, mais on voit bien qu’ils ne sont représentatifs de rien. Ils ne demandent rien de précis, en tout cas rien qui soit susceptible d’emporter une adhésion majoritaire, telle que fût celle des premiers jours du mouvement. Ils présentent une image hideuse de la France des jaloux et des haineux que rien ne satisfera jamais.
Force est de constater, au demeurant, que les Gilets jaunes qui comptent pas ou peu de fonctionnaires dans leurs rangs, sont aveuglés par la rage de sorte qu’ils jouent contre leurs intérêts. En effet, ils manifestent pour abattre le premier gouvernement qui veut mettre fin à l’iniquité que constitue la différence entre les régimes de retraite entre le Public et le Privé. L’âge de départ à la retraite est de 4 ans inférieur pour un fonctionnaire ou un agent public et sa retraite est de 75 % de son dernier traitement, alors qu’en moyenne, le salarié du privé n’en perçoit que 53 %, en raison notamment de ce que le calcul est fait sur l’ensemble de sa carrière pour les complémentaires et les 25 dernières années pour le régime de base. Les Gilets sont dans la position de paysans qui s’opposeraient à une réforme agraire à leur profit.
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