Ce que sont les Gilets jaunes
- André Touboul

- 13 mai 2019
- 3 min de lecture

On sait ce que les Gilets jaunes ne sont pas. Ils ne sont pas issus de la diversité dont ils n’ont rien à faire. Ils ne sont pas des habitants des quartiers, ni des migrants de première ou seconde génération. Ils ne sont pas des fonctionnaires ou autres agents publics. Ils ne sont pas susceptibles de cotiser à l’ISF, ou assujettis à l’IFI. Ils ne sont pas syndiqués, car assez peu salariés. Ils étaient pour certains retraités, mais le sont de moins en moins. Ils ne sont pas écolos, car viscéralement contre la taxe carbone.
On sait qu’ils ont leur samedi. Mais que le dimanche ne les inspire pas pour exprimer leurs revendications. Celles-ci, au demeurant sont aussi vagues que définitives. Leur slogan est : « on ne lâchera rien ! ». Oui, mais quoi ?
Ils réclament un référendum d’initiative citoyenne, un RIC, mais on sait qu’ils ne vont presque jamais voter. Ils réclament le départ de Macron, mais surtout pas pour voir quiconque prendre sa place. Tous les leaders politiques de Mélenchon à Dupont-Aignan en passant par Marine Le Pen et furtivement Wauquiez qui ont tenté de se les concilier se sont vus rejetés avec dédain et traités de vils récupérateurs. Les syndicalistes qui ont voulu les amadouer comme ceux de la CGT n’ont pas eu plus de succès. De même se sont cassés les dents tous ceux qui ont prétendu s’instituer leurs représentants ou simplement leurs porte-parole.
On entend, de-ci de-là, dire que les Gilets jaunes sont le peuple, ce qui n’est pas vrai car ils sont loin d’être représentatifs d’autre chose que d’eux-mêmes ; ou alors qu’ils sont une partie du peuple, ce qui est une évidence et n’apprend rien, car tout un chacun est une partie du peuple à moins que l’on n’entende par « peuple » ce que naguère on appelait le « populo ».
En réalité, les Gilets jaunes ne sont personne, ils sont la colère. Plus exactement ils en sont la personnification. Qui n’a jamais pesté contre les contraintes justifiées ou non, contre les abus, les absurdités, les arrogances des gouvernants, l’incapacité des administrations, l’impuissance des élus ou leur double langage, si ce n’est leur malhonnêteté... n’a jamais été Gilet jaune.
Les Gilets jaunes ne sont pas un groupe social, ils sont un sentiment. Ce sentiment est constant dans la population. Le plus souvent, il est réfréné, car faute de percevoir un aboutissement plausible, la raison reprend le dessus ou alors la résignation. Mais avec les Gilets jaunes, il s’est installé, enkysté, et mettra longtemps à se résorber. Il le fera, néanmoins, puisque comme un clou chasse l’autre, il se produira tôt ou tard un événement qui nous fera retourner à la normale en donnant un nouvel objet à l’émotion nationale. Cela ne se fera pas par la vertu de telle ou telle mesure distributive qui ne sera jamais pertinente. Tout juste cet onguent a pu amoindrir le soutien de l’opinion à l’origine massif. Mais si les Gilets jaunes sont aujourd’hui de plus en plus isolés, c’est plus en raison des débordements qui accompagnent leurs manifestations que par l’effet des milliards promis par le Président pour éteindre l’incendie. Bien peu croient, en effet, en être les bénéficiaires.
Certains ont voulu voir dans la symbolique du Gillet jaune fluo le signe d’une panne sociale. C’est sans doute vrai, mais c’est surtout un moyen d’être visible par les autres usagers de la route, et éviter un suraccident. Ils sont les effets secondaires de la potion que le docteur Macron veut administrer à la France pour remédier à ses scléroses économiques et lui permettre de s’adapter au monde nouveau. En ce sens cela prouverait que les changements annoncés sont réels. Mais cela est loin d’être certain, car ce mouvement a tout du comportement de ceux qui crient avant qu’on les frappe. Souvenons-nous... ce qui a mis les Gilets sur les ronds-points, c’est l’annonce de la future taxe carbone. La perspective a suffi.
Ce flou dans le portrait-robot des Gilets jaunes permet à de multiples idéologues de les invoquer, souvent à tort et parfois de travers. Qui a besoin d’étayer son propos par un argument sans réplique y fait référence. Et ceci quel que soit le bord politique. Même Macron n’y échappe pas.
Bientôt, il ne restera plus de cet épisode qu’un élément de langage de plus dans la logomachie d’une époque qui mesure chaque jour un peu plus que ses modes de pensée sont périmés et refuse de l’admettre.
Le gilet jaune est désormais un gilet vide.
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