Un tableau d’honneur immérité
- André Touboul

- 13 mai 2019
- 2 min de lecture
Michel Delpuech nommé Conseiller d’Etat au tour extérieur. Avec raison, Jean-Michel Apathie hurle au scandale. Mais qui est le sieur Delpuech ? Souvenons-nous : c’est le Préfet de Paris, limogé pour avoir été incapable de gérer les débordements des casseurs dans la Capitale.
A 66 ans, le Préfet aurait pu prendre une confortable retraite de la préfectorale, il est « récompensé » par un poste au Conseil d’Etat où il pourra séjourner sans limite d’âge. La raison est transparente, elle est la même que celle qui conduit dans le privé à verser à des patrons défaillants des sommes déraisonnables sous forme de prime de départ ou de retraites chapeau, afin de se protéger de leur capacité de nuisance. Delpuech, c'est aussi le Préfet qui dénonçait les "copinages malsains" lors de son audition dans l'affaire Benalla.
En bref, comme à Vivendi on a rémunéré grassement le départ de Jean-Marie Messier, on achète le silence du Préfet Delpuech, inscrit au tableau d’honneur pour ses mauvaises notes. Avait-il des révélations à faire ? On ne saura pas. Sa position de Conseiller d’Etat lui interdit désormais toute déclaration intempestive et notamment d’écrire un livre comme le fit le Général de Villiers après s’être fait remonter les bretelles à l’Hotel de Brienne.
Ce mode de gouvernement n’est pas nouveau, il est vieux comme le pouvoir, mais il devenu insupportable, car tout se sait en temps réel. L’opinion est un monstre bouillonnant qui fait toute pâture de ce type de faits. Et ses jugements tombent sans complaisance. Sans appel, surtout quand les discours de probité sont démentis par les faits. Le Président devrait prendre au sérieux l’avertissement que constitue l’émoi suscité par le cas Delpuech, et corriger le tir. Il ne peut laisser faire ce type de dérive au moment où il vient de proclamer sa décision courageuse (ou téméraire) de mettre un terme à la dictature d’une caste de privilégiés d’Etat.
On a beaucoup souligné le déclin de la démocratie représentative, mais dans le malaise qui touche de nombreux pays, il y a aussi, et peut-être est-il plus toxique, un dépérissement de l’exécutif qui paralyse les sociétés de notre siècle, ainsi que l’a très justement relevé P-H Tavoillot dans « Comment gouverner un peuple roi ? ».
On ne peut diriger aujourd’hui comme hier. Il faut aussi se montrer exemplaire, sinon l’être. Or, gouverner est une activité salissante. Le choix entre les inconvénients n’est plus aussi gratifiant que par le passé. Le service de la Nation est perçu comme le signe d’une ambition personnelle dévorante, et, au plus haut niveau, une maladie proche de la mégalomanie.
L’irrespect du public pour ceux qui le servent est un trait fondamental de la démocratie moderne. En cela, la modernité n’est pas un réel progrès, car quand le navire tangue, l’heure n’est pas à la mutinerie. Il faut serrer les rangs, et chacun doit faire preuve de responsabilité. Hélas, nous vivons aussi une époque d’irresponsables, notamment dans les médias qui commentent la politique comme un spectacle, dont pourtant ils sont l’un des acteurs. Alors un bon point à M. Apathie pour sa sainte colère.
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