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Du mensonge en politique

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 29 mai 2019
  • 2 min de lecture

Le fait qu’un politicien soit traduit en justice pour mensonge parait contre-nature, tant il est vrai que mentir est un travers typique que cette catégorie socio-professionnelle partage avec les arracheurs de dents. C’est pourtant ce qui arrive à Boris Johnson poursuivi pour avoir affirmé que le Royaume-Uni envoyait 400 millions d’euros par semaine à l’Union européenne.


L’histoire regorge de grands mensonges, pour la bonne cause, ou pas.

« La route du fer suédois est coupée » déclare en avril 1940 Paul Reynaud alors qu’il sait que les Allemands ont pris Narvik. Il s’agissait de ne pas démoraliser les Français. Mais on se souvient des armes de destruction massive de Saddam Hussein, qui n’existaient pas et ont servi de prétexte à la seconde guerre d'Irak. De nombreuses guerres ont ainsi été engagées sur la foi d’un mensonge, comme par exemple la dépêche (trafiquée) d’Ems qui déclencha le conflit de 1870.


Mais le mensonge n’est pas réservé aux grandes occasions. On a coutume de dire que dans l’arène politique, il est impossible de ne pas mentir, au moins par omission. Pour réduire les risques, les acteurs disposent de stratégies discursives bien rodées : celles de l’oubli, du flou, de la dénégation et de la raison d’État.


Quand Jérôme Cahuzac ment à l’Assemblée Nationale « non, Monsieur le député, je n’ai pas de compte à l’étranger... », la France est outrée. Pourtant, il ne fait que nier l’évidence, ce qui est un moyen classique de gouvernement.


« La véracité n'a jamais figuré au nombre des vertus politiques, et le mensonge a toujours été considéré comme un moyen parfaitement justifié dans les affaires politiques », écrit Hannah Arendt. Cette sentence désabusée n’est cependant plus à prendre pour argent comptant. Il semblerait que la tolérance du public au mensonge politique ait très fortement diminué au cours des dernières années.


On peut y trouver plusieurs causes. La première tient à la rapidité de l’information qui fait que les menteurs sont plus rapidement démasqués, et que par conséquent ils sont pris le smoking gun à la main.

La deuxième raison est que les politiciens ne bénéficient plus que d’un crédit limité, et que leur parole est devenue hautement suspecte. Le public tout à la fois les suspecte de duplicité et n’est pas prêt à leur accorder de « bonnes raisons » pour avoir menti.

Le troisième motif de rejet des menteurs est que la prolifération des mensonges tout azimut crée un climat anxiogène et que ce que l’on accepte de complotistes est insupportable quand il s’agit de responsables politiques.


Jusqu’ici les menteurs n’ont été jugés qu’au tribunal de l’Histoire. Que Boris Johnson soit condamné ouvrirait une ère nouvelle d’exigence envers les excellences qui nous gouvernent. Un courant d’air rafraîchissant. Bien plus utile et salutaire que les clystères de vertu que la bien-pensance ambiante a coutume de nous infliger par ce que l’on appelle le « politiquement correct ».

 
 
 

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