Le moment venu, Macron parti...
- André Touboul

- 17 juin 2019
- 4 min de lecture

On dit que les partis de droite et de gauche ayant explosé en plein vol, il ne reste durablement de choix qu’entre Macron et le populisme. Certains, comme Valérie Pécresse, vont même jusqu’à pronostiquer un scénario catastrophe à l’italienne où se rejoindraient bientôt les populistes de gauche et de droite ; c’est d’ailleurs ainsi qu’elle justifie dans Le Figaro du 7 juin sa démission de Les Républicains, afin, dit-elle, de reconstruire la Droite.
Cette perspective est inquiétante, car pour notre Président la date de péremption est quoi qu’il arrive fixée au plus tard en mai 2027.
Cette projection apocalyptique est fausse à bien des égards.
Tout d’abord, imaginer un mariage de raison entre Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon est un surréalisme échevelé qui fait douter du sérieux de la Présidente de la Région Île de France. A cette occasion, elle fait preuve d’une étonnante méconnaissance de la nature de ces deux populismes diamétralement opposés. Certes le parallèle est pertinent quand on assimile le RN à la Ligue du Nord, mais erroné s’il s’agit de voir une équivalence entre La France Insoumise et le Mouvement 5 étoiles. L’un et l’autre sont des mouvements gazeux, pour ne pas dire fumeux, et ont une clientèle sociologique similaire ; mais autant le mouvement italien est un populisme au ras des pâquerettes, autant le mélanchonisme est une idéologie résolument ancrée à gauche.
Cet Anschluss chimérique des extrêmes étant exclu, reste l’hypothèse d’une dynamique du parti de Marine Le Pen qui permettrait l’alternance en sa faveur. Nul ne pense vraiment que cela puisse se produire en 2022 dans un affrontement avec Macron. Mais qu’en sera-t-il -il en 2027 ?
Pour répondre à cette question, il faut examiner la nature du phénomène macronien qui est substantiellement différent d’une polarisation au centre.
Certes, la droite d’antan, comme d’ailleurs la gauche, ne sont d’aucune utilité immédiate. Mais contrairement à l’apparence, ce n’est pas Macron qui les a rendues obsolètes en préemptant leurs thèmes. Ce sont elles qui se sont vidées de leur substance pour n’avoir pas su faire correspondre leur discours au monde actuel.
La pensée macronienne, dont l’originalité est proprement ignorée des professionnels du commentaire politique, pourtant si prompts à étiqueter et disséquer, n’est pas l’addition pure et simple des recettes de la Gauche et de la Droite françaises.
Quand il se dit « et de gauche, et de droite », le fameux « en même temps », Macron ne fait pas référence à la Gauche et la Droite telles qu’elles s’incarnent en France et qui sont tout aussi étatique, et imprégnées de réflexes bureaucratiques. L’une et l’autre ont milité pendant un demi siècle pour « un État fort », formule dont Alain Juppé a fait le titre d’un de ses livres de campagne pour 2017. Ni l’une, ni l’autre ne croient dans les vertus de l’initiative privée et elles sont ensemble convaincues que l’intérêt public ne peut être assuré que par l’Etat et son Administration. De fait, dans l’alternance politique en France de ces dernières décennies, il n’y avait de différence que de degré dans l’étatisme. C’est d’ailleurs pourquoi, allant toujours dans le même sens, on n’a constaté qu’un long approfondissement de l’échec : explosion du chômage,de la dette publique et du nombre de fonctionnaires.
La révolution copernicienne proposée par Macron est de révoquer ce principe qui veut que l’Etat soit bon par nature, et l’individu égoïste par essence.
Quand il déclare vouloir être pragmatique, cela signifie qu’il veut rompre avec le dogme du collectif institué en unique garantie du bien public et donc réhabiliter l’individu comme moteur économique, tout aussi efficace que légitime.
Toute politique digne de ce nom, a pour finalité d’améliorer le sort de chaque individu , mais la différence consiste dans les moyens pour y parvenir : à gauche, c’est par les solutions collectives, à droite ( on parle ici de la droite idéologique, et non réelle) on privilégie l’initiative individuelle. Quand il refuse contre vents, marées et Gilets jaunes, de rétablir l’ISF, Macron montre qu’il fait confiance en la capacité des individus de prendre des décisions profitables à l’ensemble.
Il est probable que ni son entourage, ni l’Administration qui devrait relayer ses vues si elles n’étaient contraires à ses intérêts, ni les médias qui remâchent leurs poncifs scolaires dépassés, aient bien perçu la nouveauté ou même la portée de ce nouveau logiciel. On continue de nous parler sans rire des excès du néolibéralisme, ce qui est une fumisterie, car la France est un des pays les plus administrés du monde.
On dit qu’il reste quelques années à Macron pour réussir. Cela ne signifie rien, car en politique personne ne réussit jamais tout à fait, mais surtout il a déjà brisé les tabous intellectuels qui ligotaient la France. Il a déjà eu le mérite de réorienter les vérités politiques dans une direction où l’Etat ne sera plus un poids mort, et la créativité individuelle enfin libérée. Les faits suivront fatalement, avec lui ou après, car son mode de pensée est le seul compatible avec le 21ème siècle.
Macron Parti, la Droite française sera libérée. Non pas décomplexée à la Jean-Francois Copé, qui n’était qu’un cul de sac identitaire, mais autorisée désormais à s’assumer comme libérale, c’est à dire non-bureaucratique. Elle pourra alors prétendre à revenir de manière crédible devant les électeurs. En ce sens, Macron est ce que la Droite pouvait espérer de mieux, car lui seul lui rend un avenir possible.
La Gauche ne sera pas pour autant incapable de revenir au pouvoir. Elle pourra compter, non pas sur une idéologie triomphante comme par le passé, mais sur ses appuis dans la fonction publique. Ses intérêts qui privilégient la bureaucratie sont convergents avec ceux de la haute fonction publique, au sommet de la chaîne alimentaire du pouvoir. Il est peu probable qu’Emmanuel Macron parviendra à réformer vraiment l’ENA et les Grands Corps.
Ainsi l’horizon politique de l’après-Macron, verra réapparaître des forces renouvelées à Droite et à Gauche. A droite par l’idéologie, à gauche grâce aux forces de résistance sociales... en somme, l’inverse de ce que l’on a constaté au siècle passé où la Gauche était maîtresse des idées, et la Droite essentiellement pragmatique.
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