Les raisons d’une déroute des Républicains, et peut-être d'une seconde déculottée...
- André Touboul

- 17 juin 2019
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Après la Gauche classique mise en pièces, Macron explose la Droite traditionnelle. Son discours les a détruites. Certes, on ne peut affirmer que tous les électeurs en ont saisi l'entière cohérence. Mais sa sonorité a paru nouvelle. Cette seule qualité a suffi, et le paradoxe est que ce sont les retraités qui y ont été le plus sensibles. Ceux que l’on disait fâchés par la hausse de la CSG et le gel des indexations des retraites ont abandonné les rangs de Les Républicains pour soutenir la liste européenne du Président.
Ce mouvement d’opinion n’est, en fait, pas surprenant, car au-delà de la petite musique moderne de Macron, les aînés ont entendu un air classique, celui de l’ordre public. En effet, Macron a démontré par sa maîtrise, en douceur quoi qu’on en dise, de la fureur des Gilets jaunes, qu’il tenait la boutique.
Il a aussi su faire des gestes modérateurs pour les petites gens âgés et les personnes dépendantes, ce que même ceux qui n’étaient pas concernés ont apprécié, car avant tout, ce qu’ils n’avaient pas admis était le manque de considération.
Certes, Macron, qui se veut Président des actifs, n’en est pas à vanter les louanges du troisième âge, mais il paraissait le plus crédible sur l’Europe. Sa position fut aussi claire que celle de Wauquiez était difficile à cerner.
Le chef de Les Républicains qui a reproché à Emmanuel Macron de transformer les européennes en un duel contre Marine Le Pen, aurait pu se demander si ce n’est pas son indigence qui a rendu possible ce tête-à-tête, pour lequel il n'a pas gagné son carton d'invitation.
Les médias ne se sont pas privés de souligner le risque pris par Macron qui disait viser la première place pour la liste de la transparente Loiseau, sans voir que ce n’était pas Marine Le Pen qui avait intérêt à renouer le match des présidentielles, mais lui. On peut s'étonner aussi au passage qu'il n'y ait pas eu un mot des médias sur le naufrage des listes de la Gauche... Admettons cependant que si les journalistes se privent rarement de tirer sur les ambulances, ils s'abstiennent en général de mitrailler les corbillards.
Il ne reste sur le champ de bataille que des blessés. Les photographies nous parlent. De plus en plus, Mélenchon fait la tronche, il semble de moins en moins capable de maîtriser son entourage. Avec lui l’avenir s’assombrit. C’est lui le ténébreux, le veuf, l’inconsolé... A l’opposé, Marine Le Pen se fend la pêche d’un sourire forcé qui fait de plus en plus rictus. Mais bien qu’on la dise en permanence bénéficiaire de tout : des Gilets jaunes, des erreurs de Macron, des maladresses de Wauquiez, de son maintien, de sa démission, de la pluie et du beau temps, elle fait du sur-place, et par conséquent, elle s’éloigne du pouvoir.
Quand à Wauquiez, il a touché le fond. Il a payé son braconnage sur les terres des identitaires, souverainistes et démagogues de l’ex Front National. La Droite W s’est enfermée dans un discours sans issue. On notera cependant qu'Edouard Philippe est particulièrement mal venu d’ironiser sur la Droite Trocadéro, car c’est elle qui a rejoint Macron pour ce dernier scrutin. C'est un peu cracher dans la soupe, et peu digne d'un Premier Ministre.
Les Français de droite aiment à ce que l’on célèbre leur identité et leurs racines, mais ne vont pas jusqu’à la détestation des cultures étrangères. Ils sont fiers d’être Français, honteux d'être xénophobes. Car ils sont souvent friands d’exotisme, sans aller bien entendu jusqu’à rejoindre la Gauche dans ses dogmes multiculturels ou les folies utopiques des no border.
Sur la question de la souveraineté, le peuple de droite place la France au sommet, mais sait fort bien que, tant sur le plan économique que sur celui des valeurs, si l'oignon fait la soupe, seule l’Union européenne fait la force, que c’est l’avenir et que l’on n’entre pas dans le futur à reculons.
Sur champ économique, la Droite W semblait revenir à son étatisme congénital, en renouant avec un anti-libéralisme, et un anti-mondialisme primaires, au motif que Macron occupait le créneau libéral et mondialiste. Là aussi, Wauquiez, s’est mis l’électeur de droite à dos. En parfait énarque, Wauquiez, qui semble s’imaginer que l’électeur de droite se résume à un réactionnaire, s’est adressé à lui comme tel.
Dans ce qui ressemble de plus en plus à une retraite de Russie, Wauquiez s’en va. Il aura pris une dernière leçon du Président, celle qui veut qu’en politique, il faut choisir ses amis, mais plus encore il est essentiel de désigner des adversaires.
Les caciques LR qui appellent au rassemblement (pas national, n’exagérons rien) sont pathétiques. On ne se rassemble jamais qu’autour d’un même projet, porté ou non par un chef. Et quand il y a pléthore de chefs, c'est qu'il y a pénurie d'idées.
En l’espèce, il s’agit clairement pour les élus de Droite de conserver les postes aux municipales. Ils ne s'en cachent pas. Leur stratégie qu'ils exposent cyniquement au grand jour, choque le citoyen qui, avec une certaine naïveté, attend des politiques qu'ils le placent au centre de leurs préoccupations, et qui soudain constate qu'il en est totalement absent.
Cette posture purement défensive sera nécessairement perdante, car si, en la matière, la seule façon de ne pas perdre est de vouloir gagner ; pour espérer vaincre, il faut savoir et dire ce que l’on veut promouvoir. Les références historiques ne valent souvent que comme métaphores, mais les élus de droite devraient se souvenir qu'après la Bérézina, il y eut Waterloo.
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