Pourquoi Boris Johnson est une chance
- André Touboul

- 17 juin 2019
- 3 min de lecture

Il est établi que ni le Gouvernement du Royaume-Uni, ni le Parlement de ce pays n’ont de stratégie pour sortir du guêpier du Brexit.
Mais qu’en est-il du peuple britannique ?
On sait qu’il est excédé par l’incurie de ses représentants qui ont démontré leur incapacité à mettre en œuvre la décision référendaire qu’imprudemment ils avaient provoquée. On sait aussi que la situation actuelle est unanimement considérée comme n’ayant que trop duré.
Il est donc probable que pour en sortir nos voisins d’outre-Manche accueillent favorablement un Premier Ministre déraisonnable, ou qui tient un langage radical de desperado. Cette description correspond à Boris Johnson, sorte de Trump à l’anglaise, qui a compris que jouer les matamores était une voie propice pour parvenir au pouvoir dans les circonstances présentes.
En prônant la solution extrême du no deal, sans payement de la facture, il sait qu’il rejoint le tempérament des îliens qui pensent être à leur meilleur dans les situations extrêmes. Jamais battus, les Anglais espèrent que Boris arrachera de Bruxelles les concessions nécessaires pour faire qu’un naufrage annoncé devienne une victoire. Ce scénario correspondrait à leur expérience historique qui de ’invincible Armada, à la Bataille d’Angleterre a vu le sort des armes leur être favorable.
Il n’est pas certain que cette attente soit comblée, et cela pour plusieurs raisons.
La première est qu’il ne s’agit pas de bataille, mais de relations pacifiques et profitables pour lesquelles on n’obtient rien par la force. L’idée que l’excentrique Boris fera plier l’Europe continentale est une chimère, car les relations économiques ne sont fructueuses que dans la confiance réciproque. Nous ne vivons plus à l’époque de la canonnière... où plus exactement, pour jouer sur ce registre il faut disposer de la puissance des États-Unis d’Amérique.
Le deuxième motif de déception, viendra du fait que pour imposer ses vues à l'Union Européenne, le Royaume-Uni devra convaincre la totalité des 27, dont l’unanimité est requise pour accepter des modifications, et il est douteux que cela ne se produise pour d’autres changements qu’à la marge.
C’est alors une voie typiquement british que les sujets de la Reine attendent. En chargeant Boris Johnson de l’ultime négociation, ils escomptent que ce champion extrémiste vendra chèrement sa peau, et que l’on pourra sauver la face en affirmant que l’on a obtenu le maximum. Angela Merkel, l’a déjà compris. Elle a entrouvert la porte à une sortie dans l’honneur. En ce qui la concerne, les considérations de susceptibilité n’entrent pas en ligne de compte. Il n’est pas certain qu’Emmanuel Macron fasse preuve de cette souplesse d’échine, de par son caractère, mais aussi à cause de la vanité offensée des Français qui n’accepteront pas facilement un recul apparaissant comme une humiliation, même dans leur propre intérêt.
Quel que soit l’issue de l’affaire, Boris Johnson serait bien avisé d’en user modérément avec la menace de ne pas honorer les engagements financiers de Londres vis à vis de l’UE. En effet, ce qui serait considéré comme un « défaut » financier, porterait, même non suivi d’exécution, un préjudice considérable à la place de la City.
Pour peu que les Européens conservent leur sang froid, et, disons-le, leur flegme, Boris Johnson peut apporter une solution pacifique à ce que dans la langue de Shakespeare on appelle " a mice-trap", c'est à dire un piège à souris.
S'il y a enfin une morale à tirer de cet épisode, c'est que même une planche pourrie peut être une planche de salut, à condition de la prendre pour ce qu'elle est.
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