La loi anti-cyberhaine : Marcher c’est bien, mais pas à reculons
- André Touboul

- 11 juil. 2019
- 3 min de lecture

La loi destinée à réprimer la haine sur internet, la cyberhaine, que les Marcheurs veulent voter est tout aussi inutile que nuisible.
Elle est superfétatoire, car la répression du cyberharcèlement existe déjà de même que celle de l’incitation à la haine.
Le harcèlement est le fait de tenir des propos ou d'avoir des comportements répétés ayant pour but ou effet une dégradation des conditions de vie de la victime. Cela se traduit par une dégradation de la santé physique ou mentale de la personne harcelée (anxiété, maux de ventre....). C'est la fréquence des propos et leur teneur insultante, obscène ou menaçante qui constitue le harcèlement. Le harcèlement en ligne est un harcèlement s'effectuant via internet (sur un réseau social, un forum, un jeu vidéo multijoueurs, un blog...). Les propos en cause peuvent être des commentaires d'internautes, des vidéos, des montages d'images, des messages sur des forums...
Le harcèlement en ligne est puni que les échanges soient publics (sur un forum par exemple) ou privés (entre amis sur un réseau social).
S’il est majeur, l’auteur d'un harcèlement en ligne risque :
2 ans de prison
et 30 000 € d'amende.
La peine maximale est portée à 3 ans de prison et 45 000 € d'amende si la victime a moins de 15 ans.
Si l'auteur est un mineur de plus de 13 ans, la peine maximale pour un harcèlement sur une personne de plus de 15 ans sera de :
1 an de prison
et 7 500 € d'amende.
Si la victime a moins de 15 ans, la peine maximale sera de :
18 mois de prison,
et 7 500 € d'amende.
Les sanctions et mesures applicables aux mineurs de moins de 13 ans relèvent de règles spécifiques.
Dans tous les cas, ce sont les parents des auteurs mineurs, quel que soit leur âge, qui seront responsables civilement et devront indemniser les parents de la victime.
Pour l’incitation à la haine, il faut rappeler que les propos tenus sur les réseaux sociaux sont des paroles publiques, ce qui est une évidence consacrée par l’article 23 de la loi de 1881, telle que complétée en 2004.
L’article 24 de la même loi vise précisément l’incitation à la haine,
« ...seront punis d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement....ceux qui, par ces mêmes moyens (visés à l’article 23), auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou identité de genre ou de leur handicap ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal.
Il s’agit :
A l’article 225-2 du Code pénal sont visées les actions tendant :
1° A refuser la fourniture d'un bien ou d'un service ;
2° A entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque ;
3° A refuser d'embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne ;
4° A subordonner la fourniture d'un bien ou d'un service à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1 ou prévue à aux articles 225-1-1 ou 225-1-2 ;
5° A subordonner une offre d'emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l'un des éléments visés à l'article 225-1 ou prévue aux articles 225-1-1 ou 225-1-2 ;
6° A refuser d'accepter une personne à l'un des stages visés par le 2° de l'article L. 412-8 du code de la sécurité sociale.
A l’article 432-7 du même code, il s’agit d’une action qui consiste :
1° A refuser le bénéfice d'un droit accordé par la loi ;
2° A entraver l'exercice normal d'une activité économique quelconque.
Comme on le voit, l’arsenal permettant la répression d’agissements abusifs est très complet.
Légiférer encore ne peut que brouiller une législation claire et adaptée pourvu qu’elle soit appliquée. En particulier, en désignant des groupes spécialement protégés contre toute critique, elle établirait une catégorie privilégiée de citoyens, et en cela ne leur rendrait pas service. Ainsi la condamnation des propos « anti-musulmans » par principe sans viser les discours anti-chrétiens, désigne les intéressés à une hostilité qui ne peut que leur être préjudiciable.
On doit voir là encore une manifestation de l’hystérie administrative : un problème/vite une loi. Et à la va vite, car les textes sont de plus en plus bâclés. Nul doute que l’on servira une fois de plus l’argument éculé de la vertu pédagogique du nouveau texte. L’experience de la réglementation sur les 80 km/h, devrait servir de leçon : il est contreproductif de prétendre imposer aux Français des comportements par la loi. Leur nature gauloise les pousse à la contradiction et parfois à la rébellion.
Espérons que le Sénat et en dernier ressort le Président de la République sauront modérer les ardeurs des Marcheurs à reculons.
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