La hyène, le homard, le satrape et les nigauds
- André Touboul

- 11 août 2019
- 4 min de lecture

On ne peut voir sourire Edwy Plenel sans penser au rictus de la hyène. Certes, la dénonciation des dérives de ceux qui profitent de l’Etat est une œuvre nécessaire voire salutaire, mais on ressent une certaine réticence à recevoir des informations dont la provenance seule fait qu’on les souhaiterait fausses.
Il faut dire que le fondateur de Mediapart, accusateur public qui joue les Fouquier-Tinville, est atteint d’un syndrome d’indignation sélective. Il oublie toujours de dénoncer, sauf pour atteindre par ricochet un élu, ceux qui dans la haute fonction publique vivent des biens publics et de l’influence de l’Etat pour s’octroyer des avantages, logements et autres postes rémunérateurs, parfois créés pour eux ou qui leur sont réservés. Périodiquement, avec des méthodes de caniveau, le site du grand inquisiteur poursuit, sous couvert de moralisation, un but plus obscur : en finir avec la démocratie représentative. Le dernier à en faire les frais : François Goullet de Rugy.
Les moyens sont calibrés. C’est du journalisme d’investigation bidon pour ne pas dire voyou. On mêle le vrai, le faux, et l’à-peu-près, ce qui compte est de désigner une cible à la meute. L’excitation des procureurs nigauds fera le reste.
On croit rêver. Le homard est présenté comme un signe de richesse ostentatoire, alors que cet animal, certes synonyme de repas festif, n’a rien d’un met de haute gastronomie. Le prix du crustacé au kilo est au même niveau que celui du filet de bœuf, il est vrai nettement moins photogénique. On en trouve sur tous les marchés bretons, à Vannes on mange du « homard-frittes » et à Granville en Normandie il figure au menu de bien modestes restos. Rien à voir avec le caviar dont nos pères-la-morale de l’élite parisienne se repaissaient à la louche, à ce point qu’on les désignait sous le nom de « gauche caviar ». Que dire des censeurs médiatiques que l’on rencontre chez les chefs étoilés où l’on paie le salsifis au prix du platine.
Victime collatérale de la haine médiatique, il faut réhabiliter... le homard qui n’est pas une créature pour riches. Le homard est démocratique, il est populaire, et les ricanements des charognards n’y changeront rien. On disait, avant Pasteur, « qui veut noyer son chien l’accuse de la rage », aujourd’hui qui veut déconsidérer le satrape de Rugy le taxe de manger du homard. Le crime sera pendable du seul fait qu’on le dénonce.
Pensez-donc, ce homard a été payé avec de l’argent public ! On en oublierait presque l’exemption fiscale de TVA obtenue par Mediapart. Un redressement de plus de 7 millions d’euros vitement passé à la trappe. Ce sera une exécution sommaire. Car on n'attend pas les résultats de l'enquête qui après sa démission blanchira le Ministre des accusations qui ont ému le bon peuple. De Rugy sera "innocent, post mortem". Il n'y aura aucune sanction pour les délateurs, c'est Vichy sans les Allemands !
La ficelle est un peu épaisse, on voit bien qu’en dézinguant le ministre de l’écologie, l’image que l’on entend ternir est celle de Macron qui multiplie les efforts pour paraître plus vert. Derechef, Delphine Batho, jouant les pythies de l'écologie, déclare que « Macron appartient au camp des destructeurs de l’environnement »... fichtre !
La gent journalistique des censeurs s’est précipitée sur le crustacé maudit avec un appétit féroce, car en juillet la pitance est maigre. Certains ont agité leur marotte à grelots nommée Benala. On a tiré à boulets rouges sur de Rugy et on fut presque élogieux sur la préfète qui a conservé indûment pendant 12 ans un logement social. Haro sur l’élu, mais « pas touche » à la haute fonctionnaire. Même si de Rugy est peu sympathique, et que son maintien ou non au gouvernement n’était d’aucun intérêt, cette curée pour des queues de cerise est malodorante, le niveau zéro du journalisme. Innocent, c’est à dire, pas plus profiteur que ses prédécesseurs, il en sortira essoré, comme le fut un certain Fillon. On ne sera pas ému par le sort du sieur de Rugy, bien qu’il soit victime d’une cabale orchestrée de fort mauvaise foi, car jouer les bordures, quand on a été le chantre de la moralisation à l’Assemblée Nationale, est au delà de l’inconséquence. A ce niveau, ce n’est plus un accident, c’est une vocation.
Avec la complicité panurgesque de la Presse qui croit se grandir en faisant de la surenchère, de peur d’être à la traîne, c’est la République qui en prend un coup. Car la République n’est respectable que si elle émane du citoyen, le peuple souverain, c'est lui et non une technostructure auto-désignée. Tirer à boulets rouges sur nos élus sous un faux prétexte de moralisation est une forme de coup d’Etat. Il faut en prendre acte, désormais les élus de la représentation nationale ne font plus partie de l’élite, car à l’élite on pardonne tout. Les hauts fonctionnaires, eux, restent intouchables... Quand sans preuve d’une faute quelconque, le Président Macron accepte la démission de son ministre décidée par Mediapart, on se demande qui gouverne la France.
La morale de cette triste histoire de satrape et de nigauds est qu’il n’y pas de morale pour ceux qui prétendent en donner des leçons.
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