Quand les humoristes perdent le sens de l’humour.
- André Touboul

- 24 juil. 2019
- 2 min de lecture

Gad El Maleh est accusé de plagiat. La nouvelle n’est pas considérable, car ce n’est qu’un comique qu’il serait exagérer de qualifier d’humoriste. Il ne boxe pas dans la même catégorie que Rabelais, Scarron, Alphonse Allais, Alfred Jarry, ou Sacha Guitry.
L’humoriste est un homme de bonne mauvaise humeur, disait Jules Renard, qui en était un et des meilleurs.
Au fil du temps, son domaine d'expression s’élargissant sans cesse, l’humoriste est devenu simplement un artiste qui pratique l’humour. Au début du 20ème siècle, les spécialistes du coup de crayon ont rejoint cette catégorie socioprofessionnelle. Le Salon des humoristes, crée en 1907, ouvert à tous les caricaturistes et dessinateurs, fut imaginé par Félix Juven, directeur du journal Le Rire, qui créa l'association « Les Humoristes » avec la Société des dessinateurs humoristiques.
Aujourd’hui, se qualifient d’humoriste tout ceux dont l’activité est censée faire rire. Ainsi Dieudonné MBala MBala se déclare humoriste.
En principe, néanmoins il semble que l’on puisse exiger d’un humoriste qu’il soit le créateur de son humour et non pas seulement un interprète. Cela ne veut pas dire que la création doive toujours s’opérer ex nihilo.
De nombreux chefs d’œuvre sont des copies talentueuses ou des transpositions de précédentes idées qui n’ont pas eu de succès ou appartenaient à ces cultures étrangères. Par exemple, mais la liste serait interminable, notre La Fontaine s’est largement « inspiré » d’Esope. On ne peut compter les ouvrages qui ont repris l’intrigue de Roméo et Juliette que Shakespeare avait lui-même emprunté à un autre auteur anglais lui-même reprenant un conte italien. Les humoristes n'échappent pas à la règle qui fait que l'inspiration emprunte des chemins variés.
Ce qui est significatif et inquiétant est qu’il existe un site dénommé YouTube CopyComic voué à la dénonciation des emprunts de comiques entre eux comme s’il s’agissait de délits majeurs.
C’est oublier que les blagues ne valent que par le talent de ceux qui les racontent. On ne s'approprie pas une plaisanterie en l'accommodant à sa sauce.
Il apparaît que la délation ait désormais droit de cité. Les justiciers du net n’ont de cesse que de démasquer les artistes à succès. Ils oublient que le plagiat n’est punissable que s’il viole la propriété intellectuelle, laquelle ne porte que sur la création de forme originale, pas sur la simple idée ou le concept qui l'a guidée.
Exiger de Gad El Maleh la rigueur littéraire d’un Victor Hugo (qui n'a d'ailleurs pas toujours cité ses sources et a été accusé de plagiat pour les Pauvres gens) est au fond le résultat de la dérive moderne qui conduit à confondre les comiques avec les humoristes, au motif que les uns et les autres ont en vue de faire rire ou sourire. Il est vrai que se dire humoriste fait plus respectable que de se dire comique, et sans doute cette quête de reconnaissance intellectuelle n’est-elle pas étrangère aux déboires de certains.
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