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Horresco referens

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 11 août 2019
  • 5 min de lecture

Je frémis d’horreur en en parlant. Nous allons bientôt cuire comme des sardines à la plancha, car nous sommes trop nombreux, cela s’aggrave et quoi que nous fassions le climat se réchauffera. Nous vivons trop vieux, trop dépendants...


Et d’un autre côté on ne cesse de nous faire la leçon pour que l’on ne prenne pas de risque. « Zéro risque » est le mot d’ordre du principe de précaution. On ne doit pas mettre en danger les autres, l’argument est recevable, mais l’obligation de prudence va plus loin. On nous épouvante par des images terrorisantes sur les paquets de tabac, on nous oblige à la boucler (je parle de la ceinture), on nous enjoint de nous hydrater, on dépiste la moindre nodule, on pourchasse la particule la plus fine, le plus petit agent pathogène, rien n’échappe à la bienveillance de ceux qui nous veulent du bien. En bref, on nous nurse.


Pour justifier cette prévenance envahissante, on avance le coût pour les caisses sociales de nos pathologies ou de nos accidents. Mais le motif est fallacieux, car en nous menant de plus en plus nombreux au troisième et quatrième âge, on augmente de manière vertigineuse les frais de santé et de prise en charge de la dépendance.


De fait, pour ceux qui nous gouvernent, on ne parle pas ici de nos élus, mais de nos élites qui déterminent ce qu’il faut penser ou faire, et ainsi pèsent sur toutes les décisions qui nous concernent, nous sommes avant tout des consommateurs.


C’est pourquoi, notre pouvoir d’achat leur importe tant. Ils le confondent avec notre niveau de vie. Ce n’est pas notre bien être qu’ils poursuivent, mais notre capacité de dépenser. Dépenser pour faire tourner la machine économique. Même si celle-ci fonctionne à l’envers et détruit les emplois qui se délocalisent. Car ce qui importe ce n’est pas de produire, mais de consommer.


La consommation est à ce point devenue reine que les enfants eux-mêmes sont devenus des produits auxquels chacun a droit au nom de l’égalité. On entend de grandes âmes revendiquer à ce titre "l’enfant pour toutes et tous" sans se soucier de l’avis du principal intéressé, bien en peine de le formuler. Nul doute que l’on dépassera bientôt la PMA, la GPA pour de la procréation totalement déconnectée, plus propre, moins aléatoire, plus facile à calibrer. Le consommateur veut de beaux fruits, il exigera des cageots d’enfants parfaits. Là aussi, la production de masse fera son office et l’on dépassera les cas particuliers dont on parle aujourd’hui, somme toute très minoritaires, pour faire de l’incubateur la règle.


L’obsession pour l’égalité de nos dirigeants, qui est évidement contre-naturelle à l’élite, trouve son origine, non pas dans la recherche d’ une pseudo-justice sociale, mais dans le fait que le consommateur égalisé est bien plus facile à satisfaire, si l’on admet que la satisfaction est d’acquérir de plus en plus de produits standardisés. Ce que l’on appelle la consommation de masse qui n’est pas l’accès de tous à la qualité, mais le nivellement par le bas. Cette prétendue justice sociale invoquée en permanence est une tromperie, car l’équité voudrait que chacun soit rétribué selon ses efforts et contribution au bien commun. C’est aussi une erreur fatale, car une société totalement égalitaire ne peut que végéter et péricliter.


L’idéologie consumériste, elle-même, n’est rien d’autre qu’un mode de contrôle social qui en cela se substitue à la religion. Elle en cultive les rites hebdomadaires. Acheter, remplir son caddy, est un devoir, un acte d’accomplissement, au delà de la jouissance. L’achat est égoïste. Il place l’individu dans la solitude d’une relation de dépendance. Aujourd’hui, le consommateur a remplacé le travailleur de la révolution industrielle. Son aliénation est aussi profonde. Il ne retrouve son sens critique que s’il est privé d’une partie de son pouvoir d’achat, le seul pouvoir qu’il lui soit encore dévolu, étant établi qu’en tant que citoyen son bulletin de vote est impuissant à influer sur son existence.


La confusion entre le besoin et le désir permet de « fourguer » toutes sortes de « biens » inutiles qui se glissent dans le panier de la ménagère jusqu’à l’occuper largement. Déclencher l’achat est le rôle imparti aux distributeurs. La science du marketing n’a aucune déontologie, sa seule mesure est celle du chiffre d’affaire.


On ira pas jusqu’à rejoindre les tenants de la décroissance, mais, sans doute, dans l’appréciation du niveau de vie, devrait-on prendre en compte son agrément. C’est d’ailleurs ce que font déjà ceux qui choisissent la province plutôt que l’Ile de France, la vie en temps réel pour échapper à la tyrannie épuisante des transports quotidiens en banlieue. L’opposition entre les deux France, urbaine et rurale, est abusive. Il existe au moins trois France. Celle des flaques urbaines, celle des campagnes reculées, et celle des provinces heureuses.


Les Danois disent volontiers que le bonheur n’est pas une question d’argent. Il serait plus exact de dire qu’il n’est pas « uniquement » une question d’argent. Ne perdons pas de vue que le PIB par habitant du Danemark était en 2014 de 60692 $ contre 42878 $ pour la France ou au Royaume-Uni. L’écart est bien moins prononcé mais notable, même si l’on mesure en « dollars internationaux », c’est à dire en une monnaie fictive qui aurait le même pouvoir d’achat qu’un dollar américain aux USA.


Ce que l’on omet de dire à propos du Danemark, c’est que si l’impôt y est très redistributif, il n’y a pas ou peu de redistribution en aval, alors qu’en France la redistribution est forte à l’aller et à la sortie, de sorte que ceux qui paient des impôts ont le sentiment que leurs contributions ne leur profitent pas.


L’une des raisons et non des moindres, qui fait que les technocrates sont illégitimes à gouverner, est qu’ils ne savent mesurer le progrès qu’en termes quantitatifs. Il ne suffit pas de donner plus de temps libre pour améliorer la vie. Cela ne fonctionne que si des conditions sont réunies. On l’a vu pour les 35 heures qui devaient améliorer le sort des travailleurs modestes, mais n’ont profité qu’aux cadres. Bien plus, les salariés endettés ont eu du mal à boucler leurs fins de mois faute de pouvoir les arrondir en faisant des heures supplémentaires. Le temps libre n’a de valeur que s’il est vraiment choisi et peut s’employer sans frais. Autrement, c’est une contrainte et une source d’insatisfaction.


L’équilibre entre travail, loisir et consommation n’est correctement pris en compte par l’élite que pour elle-même. Nos ministres partent en vacances trois semaines, la presse en révèle les refuges estivaux. Oubliée alors, la sacro-sainte égalité, car si beaucoup le font, 40% des Français ne partent pas en vacances. Pour eux, l’été ce n’est pas le repos, mais l’ennui.




 
 
 

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