top of page

La Presse n'est plus, vive la Presse

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 11 août 2019
  • 4 min de lecture

Les actions de violence et menaces contre des parlementaires qui se multiplient à tout propos sont symptomatiques d'un malaise démocratique, mais surtout sont pour une large part la conséquence d’un grave dysfonctionnement des médias.


La Presse découvre le désamour entre les Français et leurs élus, à l’exception des maires dont ils se sentent encore proches. Mais qui a organisé les battues contre ce gibier de « nuisibles »? Qui a participé à moult curées jubilatoires ? Qui a fait ses choux gras des moindres faux pas des représentants du peuple ? Qui a répandu l’idée saugrenue que les Français s’étaient mués en scandinaves ?


Puisque les médias n’ont jamais tort, on nous explique que ces excellences ne servent plus à rien car les centres de décision sont ailleurs. En Europe, dit-on. Mais c’est oublier que l’Europe n’est que l’émanation de nos élus. Ce discours n'a de cesse que de nous convaincre que seuls les technocrates peuvent nous gouverner. On s'exprimera par ailleurs sur les objectifs de cette duperie, le propos est ici de décrire comment elle agit.


En réalité, la presse est comptable de la dérive qui consiste à suivre sans discernement les inanités qui circulent sur les réseaux sociaux. Elle prend pour parole d’évangile les délires d’autant plus partagés qu’ils sont frappés du sceau de l’indigence mentale. Au lieu de remplir son rôle de guide de l’opinion, elle y puise toutes ses vérités. Le journaliste se soumet à la dictature du « like » et du « retweet » dont la seule mesure de pertinence est le nombre.


Ainsi, le paradigme métrique qui apprécie la valeur commerciale d’un site exclusivement à l’aune de l’impact quantitatif des remous qu’il rencontre, devient la seule vérité bankable.


Les médias devraient comprendre que faute d’apporter une valeur ajoutée à l’information, y introduire des réflexions, de la mise en perspective, de la culture, une mesure des conséquences et des enjeux, en bref un peu d’intelligence, non seulement ils ne servent à rien d’utile, mais ils sont toxiques car ils participent à l’abêtissement qui règne déjà en maître sur l’internet.


Il serait temps que la Presse assume sa responsabilité qui est de savoir aller contre l’opinion quand celle-ci s’égare. Si elle tarde encore beaucoup à le faire, ce sera notre démocratie qui disparaîtra.


On peut imputer la soumission de la Presse aux réseaux sociaux à plusieurs facteurs.


Le premier est l’impécuniosité qui a décimé les rédactions dont le principal travail est désormais de reprendre et délayer les dépêches d’agence. Le prétendu journalisme d’investigation consiste à servir de boîte aux lettres à des règlements de comptes plus au moins anonymes de dénonciateurs. C'est le temps des corbeaux. Quand aux grandes signatures qui devraient occuper les colonnes de leurs analyses de qualité, elles appartiennent au passé.


La Presse est mal en point. Rares sont les titres qui n’ont pas connu la défaillance financière. Le Monde, Marianne, l’Humanité, Libération ont été ou sont dans la tourmente.


Les médias traditionnels ont certes trouvé une bouffée d’oxygène grâce au numérique, mais cela reste insuffisant. En 2018 le repli de la diffusion payée a été de 4,1 %. Quant à la publicité, elle s’effondre dans la presse papier (le print) et ne se maintient que grâce au numérique. De fait, on vit sous perfusion de ce que Georges Marchais appelait le grand capital.


En effet, les principaux organes appartiennent à des milliardaires, au demeurant pas toujours français... de moins en moins à en croire l'appétit féroce du milliardaire tchèque Daniel Kretinsky qui s'invite dans le capital du Monde et s'offre Marianne. C, quand Valeurs actuelles apratient au franco-libanais Iskandar Safa. Ceux que l’on nomme les magnats de la Presse n’y recherchent pas d’hypothétiques profits d’exploitation, ceux-ci n’existent pas. Leur engouement pour les journaux vient de ce qu’ils restent le lieu du cinquième pouvoir, le pouvoir d’influence.


La situation est étrange, car le monde journalistique qui est de par sa formation largement anti-capitaliste, ne cesse de s’employer à donner des preuves de son indépendance vis à vis du « monde de l’argent ». On assiste ainsi à une surenchère richophobe dans laquelle les organes de presse, faisant plus de démagogie que d’information, s’éloignent du réel et perdent leur crédibilité. Car nul n'ignore que les stars de l'information, donneurs de leçons et pourfendeurs des inégalités, sont grassement payés. L’attelage singulier entre des propriétaires masochistes et des journalistes rebelles qui crachent dans leur propre soupe, imprime un sentiment d’hypocrisie qui contribue à brouiller la vision que le lecteur perçoit de son journal et de ceux qui le font.


Une autre raison de la faillite intellectuelle de l’information est que si l’on disait jadis « c’est vrai puisque c’est écrit dans le journal », la proposition semble aujourd’hui inversée. La suspicion pousse à aller naviguer sur le Net. L’expression « surfer » est très parlante, car on y reste à la surface des choses. L’information vers laquelle nous conduisent les algorithmes qui nous veulent du bien est toujours dans le sens de nos partis pris que les moteurs de recherche connaissent, et qu'ils nous livrent brute... c’est à dire non vérifiée, ni raisonnée. Ainsi naissent les « fake news » que la Presse se trouve dans l’incapacité de rectifier, car si Google sait parfaitement quelle information ou commentaire ira dans le sens de vos préférences, le Directeur de la réaction de votre quotidien n’a pour le guider que le courrier des lecteurs... c’est à dire rien. Décidément, la Presse d'hier n'est plus... mais elle nous est indispensable, alors il faut crier bien fort dans l'espoir qu'elle ressuscite : vive la Presse !




 
 
 

Commentaires


bottom of page