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Les désarrois de l'élève Bruno Le Maire

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 11 août 2019
  • 4 min de lecture



Bruno Le Maire veut sauver le capitalisme qu’il déclare doctement « dans une impasse ».


Entre le capitalisme financier à l’américaine et le capitalisme d’Etat chinois explique-t-il, il veut inventer le capitalisme européen. Un capitalisme vert et responsable, prospère et durable. Cet énoncé ressemble à un conte de Noël. Trop beau pour que l’on y croie. Et l’on a raison de douter. En effet, à y regarder de plus près, il n’y a pas grand chose d’exact dans le discours de Monsieur Le Maire tel que rapporté par Le Point du 24 juillet 2019.


Tout d’abord, le capitalisme américain ne se résume pas au capitalisme financier qui est, au contraire, son point de vulnérabilité. Ce ne sont pas les banques qui font la prospérité économique des USA, ni leur puissance. C’est par elles que les scandales arrivent. Si les États-Unis sont en mesure d’imposer leurs décisions au monde, c’est par deux moyens principaux : l’attractivité irrésistible de leur marché intérieur et leur suprématie technologique. La supériorité militaire n'est pas un atout décisif et à l'ère des guerres dissymétriques, elle devient de plus en plus un handicap.


D’autre part, le capitalisme chinois peut certes compter sur la protection sans faille de l’Etat, notamment par la limitation des libertés individuelles, il reste dans son fonctionnement et son moteur un système privé. Le capitalisme d’Etat, c’est à dire géré par une bureaucratie, c’était l’URSS.


Quant à la France, dont on a oublié un peu vite qu'elle était depuis la Libération un régime "d'économie dirigée", caractérisé désormais par un poids des prélèvements fiscaux supérieur à 50%, et la main mise des serviteurs de l'Etat sur la direction des grandes entreprises publiques et privées. Elle pratique depuis un demi siècle, avec une obstination renouvelée, un capitalisme fortement dominé par une bureaucratie étatique de plus en plus inefficace et incompétente, car elle sort de son rôle naturel pour usurper un pouvoir qui revient aux politiques. Un dernier exemple à méditer : la taxe Le Maire sur les yachts est un fiasco. Encore une fois la prétention de faire de la morale à travers l’impôt se retourne comme un boomerang contre l’Etat. Les riches et surtout les très riches ont les moyens de contourner les contributions. Ils passent entre les impôts comme un Breton entre les gouttes, car chacun sait que dans cette belle région, la pluie ne mouille que les imbéciles.


Les gouvernants français devraient prendre exemple sur leurs homologues chinois qui ont compris le bon usage du milliardaire. Grâce à leur réalisme, les Chinois ont Ali Baba dont le fondateur Jack Ma n’est que troisième dans la liste des 475 milliardaires chinois en 2018. Ils n’étaient que 16 en 2006. L’homme le plus riche de Chine aujourd’hui se nomme Pony Ma, fondateur du géant technologique Tencent.


Il est préoccupant de constater que notre Ministre de l’économie soit aussi approximatif, pour ne pas dire à côté de la plaque sur la consistance des modèles économiques qui se partagent le monde. Pour ce qui est de l'analyse économique, l'élève Le Maire mérite un zéro pointé, et peut-être un bonnet d'âne.


Pour le capitalisme européen de demain, il prend à son bord le Président Macron dont il assure qu’il partage sa vision. Hélas, ce qu’il décrit n’est pas autre chose qu’une collection de vœux pieux. Dans un monde idéal, les bisounours européens, n’émettront pas de CO2, ils iront triant et recyclant spontanément leurs déchets réduits au minimum ; ils deviendraient les plus compétitifs, sans puiser dans les ressources naturelles de la planète, en particulier fossiles, et bien entendu en mettant hors service les centrales nucléaires.


Au lieu de tirer des plans sur la comète, et nous endormir avec des utopies, Monsieur Le Maire serait mieux avisé de définir les voies et moyens de protéger l’Europe des méfaits du capitalisme financier que nous subissons essentiellement par la contagion des crises américaines. Les solutions sont déjà en marche, elles font grogner les banques européennes, mais il sera nécessaire de créer un cordon sanitaire entre les finances américaines et européennes. Si nous ne voulons pas subir un nouvel épisode de type 2008, ces mesures sont impératives. En effet, la situation présente équivaut à confier notre porte monnaie à un joueur compulsif. Si notre bon ministre voulait faire œuvre utile, il interdirait de casino les établissements qui détiennent nos économies... c’est à dire les banques, mais aussi les assurances. Quand le coût du crédit est asymptotique de zéro, l’argument du financement de l’économie par le marché financier ne tient plus.


Il conviendrait aussi de protéger les marchés européens du dumping social des pays qui exploitent leur main d’œuvre. Mais, s’il ne faut pas attendre des financiers US ou Londoniens qu’ils modèrent de leur propre chef leurs excès potentiellement létaux, on peut néanmoins espérer une convergence sociale avec les pays émergents. Certes, l’écart est important entre les protections sociales françaises et asiatiques, mais l’intérêt réciproque est de favoriser du côté européen la mobilité, de l’autre le progrès social. À cet égard, la Chine est à un carrefour politique crucial ; soit, elle desserre l’étau sur sa population de travailleurs et l’autorise à jouir un peu du fruit de ses efforts, et l’Europe profitera de cette bouffée d’oxygène ; soit, elle se raidit, durcit son contrôle social et son économie, qui ne tient que par l’exportation, devra affronter les restrictions de ses clients européens, qui y auront un intérêt politique et aussi économique.


Raconter aux Français que la solution de tous leurs problème sera écologique est un très très gros mensonge. L'honnêteté voudrait que l'on donne clairement à choisir entre pollution et emploi, entre CO² et niveau de vie. Mais une fois encore, on traite le citoyen en incapable. Inapte à faire des choix difficiles, alors on prétend que l'on peut avoir le beurre et l'argent du beurre tout en ne touchent pas aux pis de la vache. Ainsi François Hollande se fit élire sur des promesses inconsidérées auxquelles il savait devoir tourner le dos. Avec une inconscience ahurissante, on parla de "tournant", comme d'une chose naturelle. L'électeur pris cela pour la preuve d'un mensonge que paya la Gauche par son naufrage. Si notre élite se demande pourquoi elle a perdu la confiance du peuple, elle en a eu là la réponse. Elle ne peut espérer reconquérir un peu de crédibilité qu'en cessant de lui mentir.








 
 
 

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