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Il n’y a pas loin de la bonne parole à la tentation totalitaire

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 22 sept. 2019
  • 2 min de lecture



Que Mme Belloubet rappelle que le mandat de dépôt prononcé par les juges de première instance ne soit exceptionnel, n’a rien de surprenant.


Il s’agit néanmoins d’une décision que l'article 465 du Code de Procédure Pénale qualifie de "mesure particulière de sûreté" qui est une exception au principe de double degré de juridiction, qui veut que l’appel mette le jugement à néant.


la sûreté se justifie par une atteinte à l’ordre public, non pas celui qui résulterait du scandale d’une non-incarcération d’un malfaiteur car la juge ne doit pas se soumettre à l'émotion publique, mais de la dangerosité de l'individu, c'est à dire du risque de fuite de l'intéressé, de réitération des délits caractérisés par les premiers juges, ou de la commission d'autres infractions.


S’agissant de Patrick Balkany, les arguments de la fuite ou de la commission de nouveaux délits sont assez peu vraisemblables. La décision d'incarcération devant être motivée, il faut croire que les juges ont pu énoncer des éléments qui les conduisaient à l'estimer "dangereux".


Mais que la Garde des sceaux déclare qu’il serait choquant qu’ayant été condamné pour fraude fiscale Patrick Balkany puisse se présenter à des élections municipales, relève d'une erreur de droit magistrale, et d'une incongruité républicaine.


Tant que Monsieur Balkany n’a pas été condamné par une décision définitive, il est présumé innocent. Rien ne permet de lui interdire de se présenter à une élection. En aucune manière, la Ministre de la Justice ne peut, ni ne doit se permettre de décider qui est digne de se présenter ou non à une élection. il est ahurissant de justifier son incarcération par le fait qu'il ferait obstacle à sa candidature. Certes le sieur Balkany a été condamné à une peine d'inéligibilité, mais elle sera anéantie par l'appel qu'il ne manquera pas de former, si ce n'est déjà fait.


Haut fonctionnaire, ancien membre du Conseil Constitutionnel, agrégée de droit public, Madame Belloubet ne se moque pas de la démocratie, elle la méprise. Décidément nos bureaucrates se croient tout permis.


Quelle que soit l’antipathie que l’on éprouve pour le sieur Balkany, et elle est grande tant le personnage est déplaisant, nous devons, dans un État de droit, nous indigner de la désinvolture d’un ministre pour la liberté fondamentale que constitue la faculté de se présenter à des élections.


Demain Mme Belloubet, ou l'un de ses successeurs sera gêné par un adversaire politique, et demandera sa mise à l’écart. De la bonne parole qui fait plaisir à l'opinion, à la tentation totalitaire, il n’y a parfois qu’un pas.


On a prêté à Voltaire la sentence : "je ne pense pas comme vous, mais je me battrais jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de vous exprimer". Il y a plus de prudence que d'abnégation dans cette phrase, les libertés de penser, de parler, celle des élections sont un tout, laissez vos ennemis en être privés, vous ne tarderez pas à l'être.



 
 
 

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