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Le suicide des morts-vivants, et la sagesse d'Agrippa Menenius Lanatus

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 6 oct. 2019
  • 2 min de lecture

Dans l’éducation nationale, dans la police, à la ferme on se suicide. Ces actes ultimes semblent ne pas avoir le même sens. D’un côté, chez les paysans, c’est l’expression d’un désespoir né de l’impasse économique où les conduit un marché impitoyable. De l’autre, pour les fonctionnaires qui bien que mal rémunérés ne subissent pas la précarité financière, ce sont les difficultés professionnelles. L’hostilité des écoliers ensauvagés, déstabilisent les enseignants. Celle des voyous qui les insultent pousse les policiers jusqu’au bout de leurs nerfs.


En réalité, tous les suicidés ont le même ressenti, l’abandon. Pis, il se voient méprisés par le reste de la société. Le soutien psychologique, que l'on propose à certains, est de la poudre de perlimpinpin sur ces brûlures au dernier degré. Le mal est trop profond.


Notre société de la bonne conscience et de la pensée correcte ne se soucie pas de ses soutiers qui la nourrissent, la protègent ou tant bien que mal éduquent leurs enfants.


On exige tout d’eux, sans reconnaissance aucune. Sans la moindre retenue, on traite les agriculteurs d’empoisonneurs. On fait des discours enflammés sur les violences policières, et l’on refuse de protéger les profs contre les chers petits qui les menacent, ou leurs parents qui les insultent.


Il faut dire les choses sans ambages, ces propos tuent. Ils tuent les illusions de ceux qui croyaient être utiles, ils tuent leurs rêves, ils font d’eux des morts en sursis. Derrière ces professions que l’on malmène, il y a des femmes et des hommes, ne l’oublions pas. On les traite comme des morts-vivants, des non-humains, car pour assister à un changement de ton à leur égard, il faut qu’il y ait eu suicide.


Nous vivons dans une société du dénigrement. On ne respecte plus les élus, ni les journalistes, que l'on ne nous dise pas que c'est pour moraliser la vie politique, ou améliorer l'information. Ce n'est pas par hasard. Dévaloriser une activité, c'est en isoler chaque individu, le rendre plus vulnérable aux décisions du pouvoir.


Il y a deux manières de considérer le peuple. Soit c'est une sorte d'entité indifférenciée à laquelle on peut appliquer toutes sortes de théories, souvent sans rapport avec la réalité. Soit il est un organisme composé d'organes collaboratifs qui dépendent les uns des autres, et chaque fonction sociale a droit au respect des autres. Il est temps de se souvenir de l'apologue du Consul romain Agrippa Menenius Lanatus en 503 av. JC : « Les membres du corps humain, voyant que l'estomac restait oisif, séparèrent leur cause de la sienne, et lui refusèrent leur office. Mais cette conspiration les fit bientôt tomber eux-mêmes en langueur ; ils comprirent alors que l'estomac distribuait à chacun d'eux la nourriture qu'il avait reçue, et rentrèrent en grâce avec lui. Ainsi le sénat et le peuple, qui sont comme un seul corps, périssent par la désunion, et vivent pleins de force par la concorde. »

 
 
 

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