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Qui l’eut cru ? Le démon de la mondialisation s’appelle démondialisation

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 6 oct. 2019
  • 4 min de lecture


Les Etats européens s’endettent à outrance pour distribuer du pouvoir d’achat à leurs populations qui l’emploient en achats, en partie inutiles parfois futiles, mais clairement pas chers car produits notamment en Chine par une armée de travailleurs privés de liberté.


Des esprits simples pourraient y voir une duplication de l’exploitation des prolétaires par les capitalistes, ou une version financière de la colonisation qui pille le travail en lieu et place des matières premières.


Ces vues, prisonnières d’une idéologie dépassée, ne sont pas pertinentes, car par la magie du commerce mondialisé cette main d’œuvre est sortie massivement de la misère. Une égalisation que les obsédés de l’égalitarisme ont tendance à occulter.


Ce résultat sans précédent dans l’histoire de l’humanité n’a pas été établi par la guerre, mais par la libre consommation des sociétés développées.


Le revers de la médaille est que l’aliénation du consommateur occidental accro-dépendant à la dépense pour la dépense est réelle. Elle constitue le problème de fond du monde d’aujourd’hui.


Le cynisme du monstre impersonnel que les économistes appellent la demande est ahurissant. Il ne se limite pas à ignorer ce qui se passe en Chine. Elle ne veut pas voir le travail des enfants pourvu que le prix soit bas. Elle se contente de déclarations jamais contrôlées de commerçants sans scrupules qui jurent le cœur sur la main qu’ils ne participent pas à une quelconque exploitation d’êtres humains. Les politiques se contentent de dénoncer le dumping social, démontrant une fois encore, que l’humain n’est pas leur tasse de thé.


Le problème n’est pas uniquement moral. Il est la source d’un cercle infernal, le système paraissant incapable de se rééquilibrer jamais.


Nous ne pouvons même pas exiger du régime chinois, par exemple, qu’il se démocratise, ni pour le bien des Chinois, ni pour rétablir les conditions d’une concurrence loyale. Nous ne pouvons que tenter de lui vendre nos produits de luxe, c’est à dire surpayés.


L’Occident est confronté à un paradoxe fatal. Il n’a rien d’autre à vendre que des produits pour riches et, étant à court de ressources, il manifeste de plus en plus une détestation du riche.


Le système semble avoir atteint sa limite. Une demande de moins en moins solvable ne paraît plus en mesure d’assurer le carburant d’une croissance mondiale.


Le phénomène Trump est le signe que même les États-Unis qui paient leurs achats en fausse monnaie, des dollars virtuels qui s’amassent dans les ordinateurs chinois, ne peuvent plus tenir le rythme. Leur propre économie périclite. La mondialisation est un progrès indéniable, mais les déséquilibres qui ont permis le décollage des pays émergents ne peuvent se prolonger sans dommages majeurs, i.e. la destruction des économies dites « industrialisées » et qui le sont de moins en moins.


Pour ne rien arranger, le climat s’en mêle. Il exige un ralentissement du moteur.


Avec une sorte de sixième sens opportuniste qui les caractérise et qui se cache peut-être derrière les absurdités du Brexit, les Anglais larguent les amarres. Ils prennent la mer pour éviter la tempête. Ils savent que leur économie va marquer le pas. Ils font ce que les marins appellent se mettre à la cape. Cette manœuvre se fait quand le vent et la mer sont forts. Cela permet de calmer la situation et de prendre des décisions.


Nous sommes obsédés par ce que nous produisons. Sans doute faut-il se concentrer sur l’essentiel. Se poser les questions de fond sur ce que nous consommons.


La tâche est difficile, car la distribution progresse à une vitesse sidérante. Aux grandes surfaces, aux hypermarchés a succédé le marché-monde, espace virtuel dont Amazon est le leader. Les paiements sont dématérialisés, indolores. On est livré à domicile. Tout est fait pour dépouiller l’agent économique, qui en est réduit à réclamer toujours plus de l’Etat, car les emplois sont rares et les employeurs pingres.


L’Etat providence ayant atteint sa limite, les citoyens ont le sentiment de ne pas être entendus. Ils enragent, et le disent dans les urnes et sur les ronds-points. Il faut avoir le courage de dire la vérité. La course au pouvoir d’achat est un temps révolu. Il est temps d’apprendre à dépenser moins pour dépenser mieux.


Sans prôner ici la décroissance, qui est une utopie car tout organisme qui cesse de croître végète puis meurt, on doit admettre la nécessité immédiate de réorienter la consommation vers le durable. Il est urgent de mettre fin au règne du jetable qui conduit à la dictature du déchet.


Si l’on veut échapper à l’apocalypse d’une démondialisation sauvage dont le protectionnisme est une première étape, il faut rétablir un équilibre économique mondial qui passe par les échanges commerciaux. A cet égard, nous devons abandonner l’illusion que ce sont les États ou les Unions d’Etats qui en palabrant pourraient parvenir à apprivoiser le démon de la mondialisation. En maniant le droit de douane, ils ne pourront que mesurer les limites de leur pouvoir.


Le véritable pouvoir appartient aux seuls consommateurs. Par leurs volontés conjuguées, ils peuvent réorienter, rééquilibrer le commerce, et partant la production. La seule politique sensée que l’Etat pourrait mener afin de les accompagner, serait de cesser de distribuer du pouvoir d’achat. Cette pratique n’incite pas à la vertu qui commande de reconsidérer nos comportements de consommation.


S’il détient le pouvoir souverain sur notre planète, le consommateur est victime de sa faiblesse, son incapacité à se concerter. Il est urgent qu’il prenne conscience de sa responsabilité. Son avenir n’est pas entre les mains d’élus ou d’administrateurs qui déteindraient les recettes miracles, il est entre ses seules mains.


Pour que le client-roi exerce son ministère avec discernement, il est impératif qu’il soit informé des conséquences de ses achats. On sait le faire pour le climat. Il est temps de l’instruire sur les conséquences de ses emplettes de pacotille qui le ruinent, en le privant d’emploi. Si le commerce mondial n’est pas rééquilibré par la base, les clients feront faillite, et le démon de la démondialisation triomphera.


Au bout de la démondialisation, la guerre. Peut-être pas mondiale, par la grâce de l’arme atomique. Mais certainement le combat des pauvres contre les pauvres. Anciens Pauvres, contre nouveaux pauvres. Quand nous achetons des colifichets « Made in China », notamment, c’est pour cela que nous votons.

 
 
 

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