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Le terrorisme est-il une exigence morale ?

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 2 nov. 2019
  • 4 min de lecture

Le plus singulier dans le passage sur cette terre d'Abu Bakr al Baghdadi aura été la manière dont le Président des Etats-Unis a annoncé sa mort. Des criminels sanguinaires et sadiques l'histoire en a tant connus que le personnage fut presque banal. La relation de sa mise à mort, façon standup par Donald Trump avec force grimaces, avait quelque chose d'hallucinant. Le terroriste en chef était selon le chef de la Maison Blanche mort comme un chien, puis ce dernier publiait une photographie où il décorait un brave malinois d'un ruban bleu réservé aux héros de guerre.


On ne peut réprimer un sentiment de malaise de voir le "parti du bien" aussi compromis par un tel mélange entre une exécution capitale et une sinistre pantomime. Cela conduit à s'interroger, non pas sur le sens moral du combat contre le terrorisme qui est une évidence, mais sur la nature et l'origine de ce phénomène étrange qui ne semble pas vouloir s'éteindre. On en coupe la tête, il resurgit ailleurs plus vénéneux.


Quand il écrit que la religion est l’opium du peuple, Karl Marx ne se contente pas de dénoncer le rôle des croyances dans la soumission du prolétariat au capitalisme, il signe l’acte de décès de la force principale qui avait, durant tout le Moyen Âge, servi de guide moral aux sociétés occidentales.


L’émancipation avait commencé à la Renaissance avec les philosophes qui, osant penser par eux-mêmes, s’affranchissaient de la tutelle morale de l’Eglise, sans toutefois omettre de proclamer prudemment leur croyance en Dieu. Les ruptures au sein des institutions chrétiennes avaient aussi eu pour base des protestations morales élevées contre les abus des élites ecclésiastiques.


La libre pensée, marchant de concert avec la foi en une science triomphant de toutes les misères humaines, rendait alors la religion obsolète. Il restait à la remplacer par une autre croyance. Ce fut, avec le marxisme, celle de la création d’un homme nouveau. Cet individu parfait et libéré de toute aliénation devait naître de l’action parfaite d’une collectivité toute puissante.


Hélas, le passage obligé par l’Etat totalitaire, encore plus tyrannique que les religions, ne fit que broyer l’individu. Sa faillite ne fut pas une victoire du capitalisme, ni la fin de l'histoire, mais le dépôt de bilan d'une idéologie utopique.


Il n’est pas surprenant qu’à l’effondrement du Communisme ait succédé, non pas un capitalisme libéral universel tout aussi matérialiste, mais une résurgence des phénomènes religieux.


Toutefois le XXIème siècle, n’est pas comme l’annonçait une prédiction, attribuée sans doute à tort à André Malraux, mystique mais religieux.


Les religions ne sont pas la source de la morale universelle qui dans l’espèce humaine transcende les cultures, les croyances et les lois, elles jouent cependant un rôle considérable dans la propagation de ses principes en les ancrant dans le cœur de l’individu où elles retrouvent leur vérité essentielle.


Le Communisme réel a échoué à établir une nouvelle justification de la morale. Par la substitution d’une contrainte sociale encore plus forte que celle qu’il avait détruite en niant la pertinence du fait religieux, il s’est trouvé en contradiction avec ses propres principes de promotion de l’individu par le collectif.


La société occidentale post-communiste, la nôtre, confond la liberté individuelle avec celle de consommer dans une totale neutralité morale. La croyance en une science sans conscience, car par nature amorale, ne pouvait que ruiner l’âme. Les remèdes se sont révélés inopérants. Les comités d’éthique regroupant des experts techniques sont impuissants, car illégitimes à instaurer une morale partagée.


La particularité du terrorisme islamique est de s’installer dans cette lacune de nos sociétés, plus matérialistes que n’a jamais été aucun groupe humain depuis le commencement des temps.


Ne nous étonnons pas de la facilité avec laquelle ceux qui ont un besoin légitime de croire deviennent le jouet de marchands de mort. Car nous avons tous, pour nous guider, cette demande de vérité supérieure. Le pouvoir d’achat pour toute espérance est une tragédie, de cette fatalité nous ne pourrons nous affranchir sans un effort moral.


Seul l’humanisme, qui n’est rien d’autre que de renouer avec la glorification de l’individu, pourra sauver l’humanité, comme il le fit lors de la Renaissance. Pour l’heure, la société occidentale ne se contente pas de laisser la morale de l’humain « en blanc », elle la contredit. Le transhumanisme, la procréation artificielle, la gestation pour autrui, le droit à l’enfant qui le ramène au statut d’un objet de propriété et de consommation ne sont pas des progrès de la liberté, mais des négations du caractère sacré de la personne humaine. Dès lors que nous avons renoncé à l'humanisme qui est une valeur absolue avec laquelle on ne transige pas, la porte de tous les excès était ouverte. Les terroristes sont une négation de l'humanisme qui s'autorise de notre propre démission.


Il ne s’agit pas de dire ici que le conformisme doive triompher, le politiquement correct règne déjà. Mais sa pensée unique privilégie l’individu consommateur contre l’humain inviolable. C’est ce contresens qui détruira l’humanité sans qu’elle s’en rende compte. Sans jouer les Cassandre, on doit admettre que, dans une absence assourdissante de débat, la loi bioéthique a été votée en octobre 2019, alors que l’Académie de médecine avertissait qu’il y avait là un « changement anthropologique majeur ». C’était un enjeu singulièrement plus important que le point de retraite, et pourtant les médias ont choisi de ne pas en parler. Et ceux qui avec courage comme Mme Agacinski ont voulu s’exprimer sur ce thème, ont été interdits de le faire pour ne pas « froisser » telle ou telle minorité. Notre malédiction n'est pas l'atome, ni le dérèglement climatique, ce sont nos lâchetés qui feront notre perte. Al Baghdadi est mort, le ventre qui l'a enfanté est toujours fécond, car c'est le nôtre.




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