Les questions saugrenues du Figaro.
- André Touboul

- 2 nov. 2019
- 2 min de lecture

Êtes-vous pour ou contre ? Quotidiennement, Le Figaro, cet « excellent journal » comme disait Jean d’Ormesson passe ses lecteurs à la question. Quelques-unes supportent une réponse binaire, mais, de fait, elles sont peu nombreuses, car les plus simples mériteraient d’être explicitées, circonstanciées et pratiquement aucune ne mérite sensément une réponse par oui ou non.
En voici quelques exemples ces derniers jours :
pour ou contre le mandat présidentiel de six ans proposé par François Hollande, (A)
Le rapprochement PSA /FIAT CHRYSLER vous semble-t-il une bonne chose pour l’industrie française, (B)
Faut-il interdire les publicités politiques sur les réseaux sociaux, (C)
Emmanuel Macron a-t-il raison de dire que le port du voile dans l’espace public n’est pas son affaire, (D)
La France doit-elle poursuivre la construction de nouvelles centrales nucléaires ? (E)
On pourrait ajouter : êtes-vous pour ou contre la pluie ?
A la question (A), si l’on ne dit pas que la réforme proposée par François Hollande comporte la suppression du Premier ministre et donc un blocage institutionnel en cas de cohabitation, la réponse n’a aucun sens. Néanmoins, plus de 60.000 lecteurs avaient un avis, dont 67 % positif.
Pour la question (B), au moment où elle est posée, on ne sait rien des conditions du mariage entre les deux constructeurs d’automobiles, y répondre est impossible. 49.910 personnes se sont néanmoins prononcées, dont 66% par oui.
La question (C) est aussi biaisée, en effet, on ne peut rien interdire sur les réseaux sociaux, qu’ils soient organisés ou se développent spontanément. En outre, tout est politique, autant vouloir interdire la parole et l’image sur internet. Enfin, parler de « publicité politique » fait référence à une situation américaine qui n’a pas d’équivalent en France.
Pour la question (D), la notion d’espace public est ambiguë, il peut s’agir des services publics ou de la rue. La réponse n’est évidemment pas la même dans les deux cas. Pourtant 11.780 personnes ont répondu.
Prenons enfin la question (E) qui parait simple, mais ne l’est pas. En effet, l’opportunité de la poursuite d’un programme nucléaire dépend de son coût et donc de son ampleur, ainsi que d’un certain nombre de facteurs techniques que le public ne possède pas. C’est donc une opinion que l’on exprime sur ce sujet qui plus que tout autre mérite une décision réfléchie et informée. Étrangement, le jour où la question a été posée la une du journal s’ouvrait sur un gros titre « le rapport qui accable la filière nucléaire française », et nonobstant 72% des 58.896 votants se sont déclarés favorables à la poursuite.
Sur une dizaine de jours, le Figaro a fait répondre ses lecteurs simplement à des questions sans réponse simple. On peut y voir une illustration du danger de la démocratie directe.
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