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Erdogan, le loup garou et nous

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 23 nov. 2019
  • 3 min de lecture

Interpréter les prises de position internationales des dirigeants en les regardant à travers le prisme de la stratégie de politique intérieure est un procédé assez classique. Cette focale n’est pas toujours pertinente, mais elle l’est tout particulièrement concernant les gesticulations actuelles de Recep T. Erdogan qui gouverne la Turquie depuis mars 2003.


En difficulté sur le plan intérieur, comme en ce moment où il a perdu, coup sur coup, les élections municipales d’Istanbul et d’Ankara, il hausse le ton sur la scène internationale. Pour survivre, il s’en va en guerre contre les « terroristes » Kurdes, ce qui satisfait toujours l’opinion turque. On remarque, qu’en l’occurrence, très habilement, il a permis à Trump de retirer ses troupes de Syrie en lui lâchant Al Baghdadi qu’il gardait sous la main. Cette protection discrète lui permettait de satisfaire les Frères musulmans. La tractation fut d’autant plus subtile que le Sultan d’Ankara se dédouanait en arguant que pour exécuter leur ennemi, les Américains ne sont pas partis du territoire turc, mais ont dû le traverser depuis l’Irak. Un coup de maître.


Mais, quand il invective les Européens, et les menace de leur réexpédier des djihadistes et pourquoi pas de faire déferler sur eux une marée humaine de réfugiés, il n’est pas crédible. Les hommes sont entre eux comme les chiens, il ne faut pas confondre l’homme fort avec celui qui crie le plus fort. C’est même l’inverse.


En vérité, Erdogan ne peut pas grand-chose contre l’Europe. Celle-ci représente plus de 47 % des exportations turques. Une fâcherie réelle serait une catastrophe économique insurmontable pour le potentat vacillant. En 2018, le PIB turque a été de 905 M de $ et les exportations de 168 M de $. Les deux premiers fournisseurs de la Turquie sont la Russie et la Chine, auxquels elle ne vend presque rien.


Autant dire que des sanctions économiques de la part de l’Europe ruineraient immédiatement le pays. Bien entendu, l’Union Européenne est bonne fille, elle ne tente jamais d’affaiblir ses partenaires ou de les mettre en difficulté sans nécessité absolue. Mais face à un acte d’hostilité, comme celui agité par Erdogan, elle n’aurait pas le choix. Elle devrait fermer ses frontières. La seule chose que puisse espérer, en l’espèce, le dictateur ottoman est de faire payer par l’Europe la pension des réfugiés. Et c’est ce qui se passe.


Vis à vis de l’OTAN, Erdogan joue les bordures. Il achète un matériel sensible à la Russie. Mais dès que Macron parle de « mort cérébrale » de l’organisation, il hurle au scandale. C’est que la Turquie vit depuis des années et assez grassement de l’Alliance. Être son fer de lance au Moyen Orient lui permettait de s’ouvrir des portes. Ainsi à l’époque où l’on parlait de faire entrer la Turquie dans l’Union, son appartenance stratégique à notre défense était avancée comme un argument majeur. On voit aujourd’hui que le refus de la Constitution de 2005 par le référendum français, n’était pas un refus de l’Europe, mais celui d’un système d’élargissement qui l’aurait tuée.


Erdogan n'est pas un loup garou, pas tout à fait, mais presque. Sa proximité avec les Loups Gris, mouvement armé ultranationaliste, néo-fasciste, anti-communiste, anti-grec, anti-kurdes, anti-arméniens, homophobe, antisémite et anti-chrétien, est attestée par des gestes de reconnaissance, tel que le fameux salut du loup auquel il se livre parfois. L'équivalent du salut nazi. Cependant s'il représente un danger, c'est surtout pour le peuple turc.








 
 
 

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