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L’intelligentsia découvre les 5000

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 28 déc. 2019
  • 3 min de lecture

Mme Canto-Sperber est une des intelligences les plus vives qui éclairent le paysage intellectuel français. Le grand public la découvrit dans l’émission Bibliothèque Médicis, où elle était l’intelligence d’Elkabbach. Elle publie un ouvrage sur l’élite intitulé « La fin des libertés » qui fait suite à un autre « L’oligarchie de l’excellence » publié en 2017.


Ancienne directrice de l’Ecole Normale Supérieure, elle sait de quoi elle parle quand elle évoque l’élite.

On aurait mauvais grâce à critiquer une analyse qui rejoint pratiquement toute celle qu'en 2014 nous avions développée sous le titre Les Cinq Mille, Fortune et faillite de l'élite française.


Sa vision de l’élite française est pertinente et sans complaisance. Mais elle comporte une lacune majeure.


L’élite est un biface. Comme les outils de silex de la préhistoire elle taille, mais elle aussi est taillée. Elle dirige la société, influence, et même détermine son avenir. Mais elle est aussi, elle-même, le produit d’un système. Dans le cas de la France, c’est la prééminence de l’Etat qui détermine la formation de l’élite dont il a besoin.


Dire comme le fait Monique Canto-Sperber que les difficultés du pays ne peuvent être attribuées à 200 promus par an est triplement faux, mais aussi vrai.


Tout d’abord en vingt ans cela fait une population de 4000 hauts fonctionnaires ce qui à l’échelle du pays est très suffisant pour gouverner l’Etat. En deuxième lieu, elle oublie les clones de l’ENA que sont le CNFTP (Centre National de la Fonction Publique Territoriale) pour les collectivités locales, et l’ENM pour les magistrats. Et enfin, elle ne prend pas en compte le fait que la fonction publique est la voie royale pour occuper tous les postes stratégiques de l’économie.


Il est cependant vrai que ce ne sont pas les énarques qui ruinent la France, c’est l’Etat. Ils ne sont que le produit d’une machine centralisatrice qui est devenue folle.


Par leur intermédiaire l’Etat a pris le contrôle de la politique... on parle des technocrates et de Bercy, mais c’est de cette élite dont il s’agit.


La machine régionalise sans décentraliser, multipliant le nombre d’agents publics.


Elle centralise à outrance pour avoir tout en main. La formation, l’indemnisation du chômage, les systèmes de retraite, les ressources des collectivités locales, tout est à sa main, y compris le paiement de l’impôt prélevé à la source.


Dire qu’il ne faut pas supprimer l’ENA mais la réformer est un air connu. Cela n’aboutira à rien. L’ENA n’est que la réponse à un besoin de l’Etat. Tant qu’existera cet appel d’air, cela restera paroles au vent.

C’est l’Etat qu’il faut réformer. Il faut supprimer tout ce qui fait qu’il constitue la mère nourricière des privilégiés. La noblesse d’aujourd’hui.


L’Etat ne veut pas de la diversité que Monique Canto-Sperber appelle à juste titre de ses vœux. L’Etat, comme tout organisme cohérent, exige des esprits formatés pour le servir. Le servir, non pas pour servir le peuple français, la nuance est d’importance.


Mme Canto-Sperber reproche à Macron de ne pas s’attaquer au système de promotion étatique. C’est injuste, car il a précisément déclaré vouloir en finir avec les Grands Corps.


Macron réussira-t-il ? On peut en douter. En effet, il n’est soutenu par personne dans cette affaire, comme dans d’autres. L’élite qui l’a porté au pouvoir le tient en laisse, elle se sert de lui comme d’un paratonnerre. Il n’est pas leur chef. D’ailleurs dans leur religion qui est l’Etat, ils n’ont pas de chef. Ils n’ont que des conjonctions d’intérêts.


Hollande a été congédié comme vulgaire commis incapable de protéger les intérêts de l’élite, Macron est en sursis.



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