Les grands empires ont tous été multiculturels, mais…
- André Touboul

- 28 déc. 2019
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Le caractère principal de l’Empire romain, de l’Empire américain, et aussi de l’éphémère Empire mongol, ou de celui d’Alexandre le Grand, la clé de leur réussite fut leur ouverture à tous ceux qui venaient les rejoindre.
Les Romains, ont construit leur empire en ouvrant la citoyenneté aux peuples vaincus avec pour seul critère le talent individuel. Chacun pouvait venir avec ses Dieux. D’ailleurs, Rome avait emprunté les siens aux Grecs, sans vergogne, ni retenue. On en a de nos jours une perception confuse, mais l’empire mongol a dominé et terrorisé le monde connu au 13ème siècle, Gengis Khan accueillait toutes les nations, toutes les croyances, des Chinois, jusqu’à quelques britanniques, pourvu qu’ils acceptent de devenir mongols. En pratique, cela voulait dire qu’ils lui étaient loyaux. Alexandre avait fait de même. Les Américains ont aussi prétendu mettre fin aux empires coloniaux au nom de leur modèle de melting pot, et en exportant leur idéal démocratique. D’une certaine manière, l’URSS était, par sa doctrine, ouverte à tous. La France au temps de sa splendeur avait une vocation universaliste. Les Anglais, sûrs de leur supériorité ont ouvert leur Royaume à des nations dont ils respectaient les particularismes, et plus tard ils ont bâti leur Empire sur ce modèle.
Mais, du temps de Rome, il n’était pas question de cracher sur les aigles romaines, les Juifs ont payé cher pour ne pas l’avoir compris, et ils continuent à en payer le prix fort. On ne restait pas vivant dans l’Empire mongol si l’on cessait d’être loyal à Gengis Khan. Les compagnons d’Alexandre qui le critiquaient ont péri. On ne pisse pas sur la bannière étoilée. On ne défie pas le Monarque Anglais. Et pour l’URSS, pas de pitié pour les ennemis de classe qui déviaient de la ligne du Parti.
Les Empires naissent autour d’une polarité forte, ils s’effondrent quand elle faibli. Après avoir défait les cavaliers d’Occident en Pologne et en Hongrie, les Mongols s’arrêtent devant Vienne en 1241… et soudain lèvent le camp. Ogodeï, le dernier fils de Gengis Khan venait de mourir, le lien qui unissait l’empire avait disparu avec lui. Les Mongols s’évanouirent dans la nature. Quand Rome a cessé d’être tolérante pour devenir chrétienne, elle a été envahie par les Barbares. Bien que de nombreux historiens aient développé que ce fut le contact avec les Barbares, et son ouverture qui détruisit Rome, il faut reconnaitre que la capitale occidentale de l’Empire n’est tombée que cent ans après que Constantin ait fait du christianisme la religion officielle. Au quatrième siècle, les païens, les hérétiques et les Juifs sont devenus des citoyens de seconde zone grevés d’incapacités juridiques et administratives. Les temples polythéistes étaient fermés manu militari. Dès le début du siècle suivant Alaric met Rome à sac. Il faut dire que Stilicon, chef romain d’origine barbare qui avait défait les Wisigoths à plusieurs reprises, fut exécuté car non-romain. L’année d’après, Rome était détruite. La loyauté envers Rome avait disparu.
Les exemples ne manquent pas pour prouver que ce qui cause la chute des empires est leur fermeture. Mais en vérité, la cause première de cette fermeture est la disparition de ce qui tenait ensemble leurs peuples. L’effondrement de l’empire soviétique s’est produit quand les Russes ont cessé de croire dans les vertus du communisme. L’homme nouveau qu’il promettait avait moins d’attraits que l’homme libre. Alors comme les Mongols au 13ème siècle chacun est retourné chez soi.
La Chine ne sera jamais un Empire, pas plus que le Japon. Ces cultures intolérantes n’ont pas de vocation universelle. Et c’est une évidence que de dire que le IIIème Reich était condamné d’avance.
La morale que l’on peut tirer de ces constantes historiques est qu’il ne faut jamais renoncer à l’ouverture, mais qu’elle ne peut se faire qu’autour d’une allégeance commune forte. Cette loyauté n’est pas négociable, car quand elle disparait les empires s’écroulent.
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