La transparence, un viol, une maladie morale de notre époque.
- André Touboul

- 28 févr. 2020
- 3 min de lecture

La transparence, quand elle prétend s'appliquer à la vie privée est une barbarie. L’homme ne vaut que par ses blessures intimes. Elles sont le moteur de tout son être. Les rendre publiques le tue aussi sûrement d’une balle dans le cœur.
Ce dont on parle ici est l'élan qui anime chacun, le feu intérieur qui n’opère que s’il reste caché, et justement ne garde sa force que tant qu’il est dissimulé.
Certains appellent cela une fêlure, comme si l’âme cristalline en était détériorée, alors que c’est cette discordance profonde avec le monde qui construit la personnalité unique de chaque individu.
De temps à autre certains croient faire de la littérature en déballant les aspects sombres de leur intimité. Ils prétendent mettre leurs tripes sur la table, tout dire, tout montrer. Ce sont des menteurs. Ils n'en dissimulent que mieux leur être profond ; celui qu'ils n'osent pas affronter, celui avec lequel eux-mêmes ne peuvent parler, à aucun prix.
Quand ils parviennent à s’introduire dans ce réacteur intime de l'âme humaine, les indiscrets parlent de réussir à fendre l’armure. Une forme de suicide parfois, un viol réel, toujours, dans la mesure où le consentement est, en la matière, sujet à caution.
L’exigence de transparence tous azimuts est malsaine. C'est une pathologie de ce monstre que l'on appelle le public, dont les appétits les plus sordides ouvriraient droit à toutes les déviances morales. Le public est roi, le public est le client et le client a toujours raison. Notre société est étrange, elle s'émeut de la souffrance animale, mais elle n'a cure de celle des humains, bien au contraire, elle s'en repaît.
Le comble de l'hypocrisie est atteint quand la transparence prétend se justifier par le besoin d’être informé sur tous les faits et gestes des puissants qui nous gouvernent. En effet, si aucun délit n'est commis, il est illégitime de prétendre sonder les reins et les cœurs, s'introduire dans les alcôves et tenir la chandelle de ceux qui gèrent les affaires publiques. Supporterait-on qu'ils fassent de même en s'immisçant dans notre propre chambre à coucher ? Il faudrait sans doute exiger de ceux qui divulguent la vie privée d'autrui qu'ils se déculottent préalablement... pour que chacun puisse juger s'ils ont les fesses propres.
Au demeurant, la raison invoquée du droit à l'information est hypocrite, car c'est la même curiosité qui s’exerce vis à vis de ce que l’on appelle les people ; et pour ceux-là, l'on ne peut avancer aucune excuse de droit à l'information qui justifierait cette attitude de voyeur.
Dans tous les cas, si l'on se place du point de vue de la victime, la divulgation de l'intime reste un viol. Au fond de ces dévoiements, le plus clair que l'on peut voir n'est rien d'autre que la vengeance des médiocres, dont il ne manque plus que les rires gras pour les rendre odieux.
Ceux qui prétendent rejeter sur les intéressés la responsabilité d'un viol en arguant de leur propre comportement, leur imprudence qui les aurait mis en danger, ou de la contradiction avec les valeurs qu'ils défendent, sont les mêmes qui expliquent qu'une femme en minijupe mérite bien de se faire violer.
Il faut le reconnaître, Benjamin Griveaux a été violé par tous ceux qui ont visionné sa vidéo. Il est normal qu’il en ait conçu les symptômes. Quand une femme (ou un homme) est violée, le sentiment dominant est la honte. On ne peut pas vivre et encore moins faire de politique dans ces conditions. Alors, non, il ne pouvait pas se maintenir, mais il faut en accuser ceux qui l’on violé. On peut s'étonner que les organisateurs du viol aient été laissés en liberté. Le plus écœurant, c’est qu’ils l’on fait en y ajoutant de pseudos motivations politiques. Il y a des jours où l’espèce humaine est abjecte.
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