Le jour de la sortie
- André Touboul

- 6 avr. 2020
- 4 min de lecture

La détention est pénible, mais tous les ex-taulards le confessent, c'est à la sortie que c'est le plus dur.
On parle beaucoup du retour de l’Etat providence, comme s’il s’était absenté pour des vacances, et, se ravisant, il pouvait revenir déverser sa corne d’abondance sur les peuples, ou en tout cas les préserver des rigueurs de la crise économique qui suivra celle du sanitaire. Pour que cet Etat ait soudain le pouvoir de faire ce que, jusqu’ici, il était bien incapable de réaliser, il suffirait de « changer de modèle ».
Mais de quel modèle, parle-t-on : le modèle consumériste, le modèle productif, ou le modèle politique ?
A l’exception de quelques utopistes allumés, et n’en déplaise à Mlle Tunberg, il y a peu de chance pour que l’on veuille passer, retour de confinement à un modèle de décroissance. Il s’agira avant tout de relancer la machine à consommer pour éviter que les morts dus au covid soient multipliés par cent par la crise économique. En effet, on le dit peu, mais c’est la consommation des pays riches, la nôtre, qui permet au reste de la planète de manger, plus ou moins à sa faim. C’est notre gaspillage qui a sorti de la misère un milliard et demi de nos semblables. Alors, changer de modèle de consommation, peut-être, mais alors très progressivement.
Revoir le modèle productif, par le transfert des moyens de productions à l’Etat, le rêve des collectivistes forcenés, n’apparaît pas une perspective raisonnable. Avec sagesse les Etats devront renoncer à la tentation d’une nationalisation massive. Ils devront limiter leur action à appliquer aux entreprises le même traitement de réanimation que l’on a appliqué aux victimes du covid. Intubation, ventilation… dans les cas graves. Transfusion de liquidités, baisses des charges, puis retour à la maison pour une convalescence.
Pour y faire face, il suffira d’émettre de la fausse monnaie, et se réjouir d’être protégé par l’Euro. Le reste du monde sera trop heureux de nous vendre ses produits. Cette fausse monnaie a déjà un nom, elle s’appelle coronabonds. L’Allemagne freine, mais sans conviction. Outre-Rhin on sait que c’est inéluctable. La Commission Européenne a d'ailleurs déjà ouvert les vannes en libérant les déficits publics et en arrosant le tapis de 750 milliards d'euros.
Dans ce contexte, nationaliser ne pourrait être envisagé que comme des mesures palliatives, temporaires et ponctuelles, sauf à créer des distorsions inacceptables de concurrence entre les pays de la zone euro. Ne seront déçus que les idéologues amnésiques qui ont oublié les performances inoubliables de l’Etat soviétique.
Loin de représenter une solution de stabilité, l’étatisation serait une cause de déséquilibre et de retard dans la reprise des relations internationales. Car, à l’époque où un produit fini provient de trois ou quatre pays différents, et où les uns vivent des achats que leur font les autres, il n’y aura de reprise économique que par le retour de la mondialisation, même si la notion de protection stratégique verra son champ d’application augmenté.
Le changement de modèle peut-il alors concerner le système politique ? En France, contrairement à la plupart des autres pays où ce sont les populistes qui ont pris le dessus sur l'élite, c’est depuis 2017, l’élite d’Etat qui s’est emparée du pouvoir. Elle le détenait déjà en sous-main, mais c’est désormais au grand jour que s’exerce le gouvernement technocratique personnifié par Edouard Philippe. On en a mesuré les performances. Sourd aux sensibilités de la population, ses mesures sur la vitesse sur les routes et la fiscalité carbone ont jeté le peuple des gilets jaunes dans la rue. Sa réforme des retraites, où il a introduit subrepticement une mesure d’âge pivot, dite paramétrique a fait l’unanimité contre elle.
Dans la gestion de la crise sanitaire, au-delà du Premier Ministre qui a avoué en baissant le nez qu’il prenait parfois des décisions sur des informations fausses, il y a la noblesse d’Etat, l’élite médicale et administrative. La gestion calamiteuse de la crise sanitaire n’est pas pire en France que celle de nos voisins. Mais la forme que lui donne l'élite d'Etat est particulière. On y déplore, en effet, un usage abusif du mensonge. Ce procédé est conforme à la marque de fabrique d’une culture qui méprise le peuple, dont d’ailleurs nos technocrates n’ont que faire, car ils ne sont pas élus, ils sont irresponsables, et ils sont garantis par un traitement à vie.
Quel que soit le sort économique du pays, les hauts fonctionnaires conserveront leur emploi, et ils seront payés, selon un plan de carrière bien protégé. Dans l'avion, ils sont les seuls a posséder un parachute.
Au surplus, quel que soit le gouvernement à venir, démocratique ou non, cela ne changera rien à leur position.
Si le pays doit changer de modèle, ce devrait être pour éjecter les technocrates de toutes les responsabilités, et rétablir un système démocratique où l’élu rend compte des décisions qu’il prend en toute liberté et en toute transparence.
S’il veut survivre, Emmanuel Macron doit désigner clairement l’ennemi, la haute fonction publique. La tâche est difficile car il est, par beaucoup, assimilé à ceux qui sont désormais devenus insupportables par leur arrogance et leur impéritie. Mais à cette condition seule, il pourra espérer rallier à son panache blanc.
Force est de constater qu'en nommant M. Castex Monsieur Déconfinement, il n'en prend pas le chemin.
Avec un humour amer, Jean-Claude Mailly, ancien dirigeant de FO, ajoutait : "il est aussi maire de Prades, au moins, il n'est pas que énarque."
*
Commentaires