Confiner sans finesse
- André Touboul

- 9 avr. 2020
- 3 min de lecture

De Socrate à Montaigne il a toujours été bien porté de proclamer « je ne sais qu’une chose, c’est que je ne sais rien ».
Ainsi la sagesse commence par reconnaître que l’on ne sait pas.
Le problème est que sitôt cette profession de foi assénée, il ne cesse de sortir des mêmes bouches les affirmations les plus péremptoires.
En temps de covid, les médias fourmillent que philosophes en herbe, et parfois même en mauvaise herbe.
Les médecins affirment qu’ils ne connaissent rien au virus nouveau qui fait des ravages ; cela ne les retient pas d’ordonner aux populations d’adopter tel ou tel comportement qui le lendemain est contredit par eux-mêmes ou leurs confrères. Ils ordonnent... Déformation professionnelle puisque leur profession est de rédiger des ordonnances.
Les journalistes reconnaissent qu’ils n’ont pas fait d’études de médecine, mais illico les voilà qui débitent leur science hippocratique d’autant plus définitive qu’ils la tiennent de fraîche date, empruntée dans le meilleur des cas à tel ou tel de leurs amis médecins. La prestation ahurissante de Patrick Cohen faisant la leçon de médecine au Professeur Raoult dépasse l’entendement, mais le pire est qu'elle ne surprend pas.
Sans rien connaître à Galien ni faire ses dévotions à Esculape, on peut observer que refuser un traitement, fut-il hypothétique, n’est pas audible par celui qui est atteint par le mal. Et c’est pourtant ce que les autorités publiques ont décidé dans l’affaire de la chloroquine. Nous n’avons pas la preuve de l’efficacité, dit le Ministre, donc nous interdisons. Et se précipitent des professionnels de santé pour affirmer que l’on ne sait pas, et que l'orthodoxie scientifique prévaut sur tout autre considération.
L'affaire se gâte, quand les mêmes avouent que, se découvrant positifs, ils prendraient le traitement illégal. Ils le font avec une certaine arrogance, car cet aveux public ne fait que démontrer qu’ils bénéficient d’un privilège par rapport au vulgum pecus. Le public ne sait pas si le traitement qu’on lui refuse est efficace, mais il sait que le pouvoir lui dénie une chance réservée à quelques uns. On a fait des révolutions pour moins que cela. Le sentiment qu’il existe des accapareurs de masques, de tests, de traitement est hautement toxique. Il balaye tout rationalité.
Alors surtout que l’on confine sans finesse.
Il semble que, pour certains, l'idéal serait d'en venir à La Guerre des Mondes, quand les rues sont désertes, nettoyées de toute trace d'humanité. Refuser au citoyen de se promener au prétexte qu’il ne respectera pas les distances ou les gestes barrières est incompréhensible quand la promiscuité est encore plus grande dans les magasins et dans les cages d'escaliers.
Il semble que, dans le confinement, les confineurs introduisent une sorte de pénitence du confiné. Il faudrait, pour les satisfaire, s’interdire tout plaisir, même le plus innocent qui consiste à marcher dans la rue à 5 ou 10 mètres les uns des autres. A les entendre, la faute est encore plus grave s'il y a du soleil. Au Moyen Age on faisait des processions de flagellants.
Pour être efficace le confinement doit être une punition. Alors, haro sur les citadins qui sont allés se confiner à la campagne. Ils sont suspectés (à tort) d’y apporter le virus. Cela serait vrai, s'ils n'y respectaient pas le confinement. Mais ce serait pire s'ils l'enfreignaient en ville. Au bout du compte, on devra reconnaître que l’exode pré-confinement a contribué à décongestionner les hôpitaux d’Ile de France qui ont frisé embolie.
Néanmoins, quelle jouissance pour les télévisions d’exhiber un maire ivre de haine qui menace les maudits parisiens de représailles. Les Français ne sont pas si sots, ils savent que ce n’est pas le bonheur des uns qui fait le malheur des autres.
On chante les louanges des maires qui sont à portée d'engueulade pour confiner avec doigté, mais parfois, la démagogie aidant, certains dérapent, comme quand, par exemple, cet édile zélé a interdit de s'éloigner de plus de 10 mètres du domicile...
Si l'on veut tenir la distance imposée par les contraintes sanitaires, il faudra que les pouvoirs publics fassent plus confiance aux citoyens et lèvent le pied sur la contrainte. Si l'on a dressé plus de 300.000 contravention au confinement, c'est que, tout simplement, celui-ci est mal calibré. Peut-être devrait-on essayer la liberté en faisant appel à la responsabilité individuelle.
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