Les énarques à la niche
- André Touboul

- 22 avr. 2020
- 3 min de lecture

La crise sanitaire est dépassée. Elle n’a pas été résolue car le confinement n’a fait que repousser l’extension de la contagion, sans la conjurer. Mais désormais c’est une autre crise qui la surpasse, la crise économique.
Ces derniers jours, il semblait que prononcer le mot économie était blasphématoire. Les pensées mercantiles ne pouvaient être que condamnées au nom de la morale, nos dirigeants se sont donc interdit de les formuler et même de les avoir.
Il faut dire que ces bonnes âmes sont absolument occupées par l’obsession de ne pas apparaître cyniques. Mais tout est dans l’apparence. La stratégie a été de s’abriter derrière des autorités scientifiques qui n’en savaient en l’occurrence pas grand chose, pour un seul but : empêcher la saturation des capacités de réanimation, pour ne pas avoir à choisir entre ceux qui y auraient accès, a-t-on déclaré.
Intention louable, mais hypocrite car dans le même temps on a laissé, sans remord, mourir sans soin les pensionnaires des EHPAD. Avec une absence totale d’humanité, Jérôme Salomon, visiteur du soir égrenant le nombre des morts, avait dans un premier temps simplement gommé ces décès, ensuite il les a intégrés, mais en les distinguant, comme si les “petits vieux” des maisons de retraite n’étaient pas de vrais morts. Enfin, se rendant compte de sa maladresse, c’est le chiffre total qu’il a annoncé.
Avec une délicatesse toute chinoise, et un sacré toupet, l’Ambassadeur de l’Empire du milieu n’a pas manqué de relever le traitement inhumain des pensionnaires de nos mouroirs.
Les lits de réanimation ont tenu. M. E. Philippe s’en est déclaré fier. Mais à l’heure où il devait exposer la méthode de déconfinement, il a du avouer qu’il lui fallait réfléchir. En effet, pendant le confinement, on n’avait rien fait pour maîtriser la maladie. Ni les masques dont on discutait l’utilité, ni le gel dont on se lavait les mains, ni les tests déclarés peu fiables car non validés par les trois autorités nécessaires, ni les traitements à propos desquels on s’écharpait, ni le système de santé dont on avait écarté les médecins de ville et les acteurs privés, rien n’avait été mis à profit.
Puis, les excuses de la pénurie ont succédé aux mensonges et rideaux de fumées. La faute majeure a été de ne pas savoir gérer le manque de prévoyance autrement que par le rationnement et la bureaucratie. Mobiliser les énergies est un exercice qui est impossible à nos technocrates d’Etat. On trouvait des masques au Maroc dans les épiceries, ils sont encore attendus en France.
Il était plus facile de dresser des contraventions au confinement que de créer les conditions d’une augmentation de la production avec ce qui reste d’industrie.
Rien n’est résolu sur le plan sanitaire, néanmoins la question passe désormais au second plan. La réalité, cruelle et brutale a rattrapé la fiction romantique d’un pays qui se bat et acclame ses infirmières.
Les professions libérales prévoient des cessations d’activité poussant 40% de leurs membres à mettre la clé sous la porte. Même perspective chez les artisans. Les petites entreprises qui bénéficient du chômage partiel s’apprêtent à licencier dès la fin du dispositif. Les autres feront de même. Le nombre de dépôts de bilan des restaurateurs sera de l’ordre de 50%. La courbe du chômage qui s’améliorait va s’inverser pour dépasser huit à dix millions de demandeurs d’emploi. Le système social français va donc exploser. Dès lors, ce sera le désespoir et la faim (déjà quelques élus l’évoquent) qui seront susceptibles de faire le plus de victimes.
Ce tableau apocalyptique se réalisera si, comme on le pressent, nos gouvernants s’en remettent à leurs recettes habituelles, plus d’impôts, plus de lois, plus de contraintes, alors qu’il s’agirait de libérer toutes les initiatives, desserrer les carcans, encourager les abus. Oui les abus, car pour faire redémarrer la machine, il faut, par un coup de starter, enrichir le mélange ; quitte à reprendre la main par la suite.
Cependant, il y a tout lieu de craindre que notre élite d’Etat en restera à ses vieilles lunes de pseudo-justice sociale qui lui servent d'alibi pour maintenir sa bureaucrature. La raison principale est que dans le naufrage économique, elle pense qu’elle ne sera pas impactée. Elle bénéficie, en effet, de la garantie de l’emploi. Le second motif, non moins déterminant, est que distribuer des allocation est valorisant, c’est le côté « dame patronnesse » de nos dirigeants. Et enfin, on sait bien que dans une économie libérée, nos hauts fonctionnaires n’ont aucune place assise.
S’il veut sauver la France, Emmanuel Macron devrait envoyer les énarques à la niche et appeler à la rescousse quelques centraliens.
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