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Le confinement intellectuel des médias aux confins de l’inutile

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 28 avr. 2020
  • 3 min de lecture



Ce sera le 11 mai. Une annonce à point nommé pour éviter une exaspération qui montait. Le tunnel parait interminable, cependant, au loin, on en aperçoit la sortie. La quille moins treize ! On compte les jours...


Mais déjà, on, l'autre "on" nous menace. La date pourrait être repoussée. Il y aura une seconde vague. On nous parlait d’immunité collective, mais l’on assure que nous en sommes loin, et l’on dit aussi qu’avoir contracté le Covid-19 ne serait pas une garantie d’en être épargné, même dans l’immédiat... il y aurait eu un cas de récidive dans la Chine profonde... de quoi rabattre le caquet de ceux qui testés Covid+ se prenaient pour des surhommes, libres d’aller et venir en toute impunité. Tremblez manants ! Par chance, ces derniers temps, nous avons été vaccinés contre le Bobard+, et nos anticorps sont actifs.


Pendant cette période de réclusion, où l’interdiction de séjour commence à la porte de l’appartement, les informations diffusées par les médias prennent le pas sur le réel. Et plus que jamais, l’on s’interroge sur leur niveau de crédibilité.


Le journalisme de notre époque est devenu une exploitation de faits divers, qu’il tente d’instituer en faits de société. Ainsi l’exceptionnel est présenté comme une règle, le minuscule, comme significatif du social.


On doit cette dérive permanente, en partie, au manque de moyens d’une presse écrite en état chronique de cessation des paiements et de transfusion constante de subventions ou autres faveurs publiques. Ces lieux de pouvoir sont réduits à la mendicité.


Le mal touche plus encore les médias nouveaux. La radio et la télévision sont conscientes de ce qu’elles ne constituent que le bruit de fond de nos existences. Il leur faut stimuler sans cesse les émotions pour créer de l’audience, source de leurs revenus. Car il ne faut pas s’y tromper, ces médias ne sécrètent pas d’information, Raymond Devos aurait dit que rapporter ne rapporte rien, ils produisent de l’audimat.


A cet égard, ils se situent dans le même registre que les acteurs des réseaux sociaux dont l’existence ne vaut que par le nombre de followers. Cette concurrence ne tire pas ces derniers vers plus de qualité, au contraire, elle attire les médias institutionnels vers le bas par une fascination du « viral », proche de celle qu’execrce le vide vertigineux. Les grands reporters, dits d’investigation, sont de moins en moins nombreux, la plupart en sont, eux aussi, réduits aux safaris sur internet. Mais ce n’est pas parce qu’un fait ou une image se répandent comme un feu de brousse sur les réseaux sociaux qu’ils révèlent être un fait de société.


Un étrangleur de chats, un gigoteur un peu marrant, une image insolite aura fait le tour du monde en quelques clics. Mais aussi l’expression de sentiments parmi les plus vils, haine, colère, envie... Tout ce qui fait du chiffre est bon. Et à ce jeu, plus l’information est malodorante, plus elle est reprise par les gestionnaires de l’information qui ainsi trahissent leur mission.


Loin de constituer une ouverture supplémentaire sur le monde, l’internet des réseaux sociaux, se substituant à la réalité du terrain, a enfermé le monde médiatique dans un confinement intellectuel. Il ne suffira pas d’un décret de déconfinement pour l’en libérer. Et c’est une menace majeure pour nos libertés démocratiques.


En effet, les sociétés de médias ne sont pas des entreprises comme les autres, elles ont des logiques économiques, mais elles accomplissent une fonction de circulation de l’information sans laquelle la démocratie ne peut vivre ; car s’il est un élément essentiel à sa survie, c’est que le peuple soit éclairé. C’est à dire instruit et informé. Cela est vrai, lors des votes, mais aussi pour le comportement civique de tous les jours.


En période de confinement sanitaire, celle que nous vivons, le public n’a pas d’autre source d’information que les médias classiques ou sociaux. Il est donc de plus fort impératif que les nouvelles soient pertinentes et loyales. Dans l’impossibilité de confronter le discours médiatique aux faits, le citoyen est désarçonné par les contradictions qu’il y constate. Il était déjà convaincu que les médias, peu crédibles, « ne disaient pas toute la vérité », il perçoit désormais des mensonges au service d’intérêts obscurs déterminés à lui nuire. Une accentuation de la solitude.


Ce naufrage des médias ne serait que pénible et pitoyable, s’il n’induisait des effets délétères sur les décisions politiques. En effet, les gouvernants se soucient plus de ce que l’on dira de leurs mesures que des effets qu’elles auront. Ainsi la politique se détermine plus en considération des chiens écrasés que des problèmes de fond, qu’au demeurant les technocrates ignorent, n’y étant jamais confrontés personnellement.



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