La dette Covid, argent magique ou fonds propres ?
- André Touboul

- 7 mai 2020
- 3 min de lecture

A des degrés divers tous les États européens auront été touchés par la pandémie du Covid-19 et subiront ses répercussions économiques. Atteints directement ou par contagion des pays voisins tous devront pour faire repartir la machine économique avoir recours aux aides et commandes des États. Evidemment se posera la question du financement.
Si elle est examinée dans les mêmes termes que la dette courante, que l’on peut dire structurelle, des États, les solutions sont terrifiantes, car elles buttent sur le mirage de l’argent magique. Les divers pays d’Europe étaient déjà pour la plupart à la merci des marchés à des degrés variables, ils le seront tous fortement et en même temps.
Jusqu’à présent, on a présenté la dictature des marchés financiers comme un épouvantail pour inciter à faire des économies. Mais qui sont ces acteurs tyranniques ? En France, ce sont des banques et des assurances, qui toutes sont sous influence de l’Etat et répondent à ses appels de fonds avec docilité. C’est ce qui explique, bien plus que la santé de l’économie française, que notre pays emprunte à des taux quasi nuls.
Les tensions sur les marchés financiers vont venir de l’appel brutal de l’Etat pour boucler sa trésorerie, en concurrence avec les entreprises qu’il faudra aussi financer de manière exceptionnelle pour éviter un tsunami de cessation des paiements.
Sous l’Ancien régime, dans les périodes où l’Etat était impécunieux, le Trésor royal a toujours été tenté d’avoir recours à l’impôt, avec les conséquences que l’on sait : ralentissement de l’économie, troubles sociaux consécutifs... et au bout du compte, révolution.
Dans la situation présente, l’impôt serait de toute manière hors de proportion avec l’ampleur du problème financier à couvrir.
Certains monarques, à une époque où les échanges étaient peu importants, pratiquaient la méthode de l’augmentation des monnaies. Elle consistait à diminuer le poids du métal précieux dans les pièces ayant cours légal. C’est peu ou prou ce que les États européens vont devoir faire pour absorber la crise du Coronavirus.
Dans l’Europe d’aujourd’hui, c’est la Banque Centrale Européenne, la BCE, qui détient le privilège de battre monnaie. Elle y procède en rachetant les créances des établissements financiers sur les États. Cette « augmentation des monnaies » est pratiquée par les Etats-Unis depuis un siècle avec le dollar.
Émettre de la fausse monnaie a les mêmes conséquences qu’une dévaluation. Dans la situation actuelle, l’ensemble du Monde étant impacté, l’effet relatif sera limité, et surtout, ce serait une manière pour l’Europe d’utiliser enfin son poids économique de premier consommateur de la planète. Une baisse de la valeur de l’euro pourrait aussi être un moyen de rétablir une marge de compétitivité pour rapatrier des activités stratégiques et favoriser ses exportations.
Pour faire face à la crise, la BCE devra injecter dans les Etats de la zone euro des quasi fonds propres, c’est à dire des montants n’ayant pas vocation à être remboursés.
L’utilisation du refinancement des établissements financiers ne pourra pas être suffisant, car ces concours sont par nature remboursables.
Il faudra bien que l’Europe pratique des concours de type « prêts participatifs ». Le Président français a parlé un peu trop rapidement et trop tôt de « covid-bonds », provoquant la fureur germanique. Sous un autre nom, c’est pourtant ce qui se fera.
Les Allemands devront se montrer réalistes. Si les dettes-covid sont amalgamées aux dettes actuelles, ce sera une prime aux États cigales qui en profiteront pour ne rien rembourser de leurs dettes. Il est de l’intérêt bien compris des fourmis d’isoler ce financement inévitable.
Si le principe de cette politique ne fait pas sérieusement débat, car il n’y en a pas d’autre, son application pose quelques problèmes et l’un d’eux est majeur. C’est la répartition de l’aide entre les États.
La véritable négociation devra porter sur le volume du ce concours. On peut comprendre que les pays prudents craignent que les certains Etats ne se montrent « généreux » avec de l’argent soudain devenu magique.
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