La guerre aigre douce entre le système chinois et le Monde libre.
- André Touboul

- 7 mai 2020
- 3 min de lecture

On peut douter que le Covid-19 marque le retour de la guerre froide entre capitalisme libéral et communisme. Malgré son régime autoritaire, la Chine n’est pas un système dominé par l’idéologie marxiste qui n'aurait jamais toléré des milliardaires.
Elle a son propre mode de pensée : impérial, administratif et nationaliste. Son objectif est plus proche du national-socialisme que du communisme. Il s’agit non de convertir le monde par une utopie à vocation universelle, mais de dominer la planète en utilisant les armes économiques, sans prétendre comme le fit l’URSS à constituer une puissance militaire équivalente à celle des Etats-Unis.
Le rêve chinois a pu se développer à la faveur d’une erreur de jugement des pays démocratiques et en premier lieu des USA. Le pari fait par l’Occident dans le dernier quart de siècle a été de miser sur le fait que le commerce allait par ses propres vertus induire une démocratisation du régime chinois. Et par voie de conséquence des relations civilisées, c'est à dire régies par des usages communs.
La patience pour espérer ce résultat a été remarquable. Longtemps, trop longtemps on a toléré de commercer avec un pays qui ne respectait pas les règles du jeu de l’économie libre. Pour se convaincre de la validité de ce choix, on avançait l’exemple du Japon qui après avoir pillé les technologies en les copiant sans vergogne, était désormais devenu un acteur comme un autre dans le concert international, acceptant que s'applique sur son sol le droit commun du négoce. L’affaire Nissan a montré que cette adhésion n'était peut-être pas aussi profonde qu'on le disait.
Ayant pris un poids financier et aussi stratégique incontournable, la Chine, devenue l’atelier du Monde aurait dû, selon la théorie en vigueur se plier aux us de l’état de droit international en appliquant aux étrangers les mêmes protections qu’à ses nationaux.
La pratique a été toute différente. Ce n’est pas l’économie qui a pris le pas sur le système politique, mais l’inverse. De fait, la puissance commerciale a été mise au service d’un nationalisme militant.
La dépendance de l’Occident est apparue comme excessive d’abord aux Etats-Unis qui ont accusé l’Empire du Milieu de jouer sur la faiblesse, maintenue artificiellement, de sa monnaie, pour aspirer les commandes, les usines et vider les pays développés de leurs industries. La rébellion de Trump n’a été que l’explicitation de ce déséquilibre.
L’affrontement a été qualifié de guerre commerciale, en réalité il s’agissait de la compétition de deux systèmes politiques et sociaux opposés.
La crise du Covid-19 montre à l’évidence que l’on ne peut sans dommages irréparables commercer avec des partenaires qui ne respectent pas les mêmes règles.
Le coût d’une remise en cause de cette erreur sera certainement plus important que le simple ajustement dû à la crise sanitaire. Il faudra recréer des pans entiers de nos économies dont nous avons été dépossédés.
Il reste cependant une possibilité de limiter ce gâchis. Ce que la prospérité chinoise n’a pu faire, la débâcle économique est probablement capable de l’obtenir. Sauf à faire un grand bond en arrière de 30 ans, les Chinois devraient remettre en question leur option nationaliste et accepter de donner des gages au reste du Monde de sa conversion à une économie mondiale plus fair play.
Dans ce combat, l’Occident dispose d’armes non négligeables, et en particulier celle de privilégier ses échanges avec d’autres pays d’Asie tels que l’Inde et l’Indonésie, pour ne citer que les plus importants.
Pour l’heure, la sagesse commande de gagner du temps, prendre ce qui est à prendre et préparer l’avenir.
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