Génération Covid : des étrangers selon Camus
- André Touboul

- 26 mai 2020
- 2 min de lecture

Qu'on se le dise : la génération Covid devra « apprendre à vivre avec ». Cela nous promet une future société « sans contact » où l’autre est par nature dangereux.
L’ambition de cette pensée médicalement correcte est d’instaurer un réflexe de retrait. Une telle isolation correspondant à un confinement psychique sera lourde de conséquences dans l’ensemble des comportements sociaux.
Il ne faudra pas demander à la génération masquée et distanciée, éduquée aux gestes barrières d’avoir soin de son prochain qui, avant tout , représente un risque.
Les autorités s’en trouveront renforcées, n’ayant face à elles que des individus égoïstes, réticents à l’empathie, et incapables de s’unir, donc soumis, sans anticorps mentaux, à un pouvoir lointain.
Une société où les relations sociales sont distanciées est en passe de disparaître en tant que lieu de valeurs communes, car c’est dans la proximité que chacun en expérimente la pertinence.
Ainsi disparaîtra la vertu la plus essentielle en démocratie qu’est le sens du bien commun, contrepartie nécessaire à la liberté individuelle.
Dans une civilisation de la méfiance et de la distance, la fraternité n’a aucune chance de prospérer.
On voit bien que le monde est différent quand on se sent porté vers ses semblables, ou quand on éprouve de la répulsion, de la crainte à leur approche.
On aura beau rouvrir les bistros, plus personne ne s'y pressera, car le mot convivialité aura été vidé de son sens.
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Dans l’Etranger, Albert Camus raconte Meursault, un personnage dont la malédiction est de ne chercher sa vérité que dans lui-même. Il est étranger au monde et aux autres. Il tue un « arabe » qui le menace avec un couteau, il y a, là, les mêmes distance sociale et peur du danger que l’on inculque à une génération de méfiants qui par le fait seront indifférents aux autres et peut-être même hostiles.
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