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Emmanuel Macron sur le divan du Cardinal de Retz

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 23 juin 2020
  • 3 min de lecture

« On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment », disait le Cardinal de Retz, célèbre mémorialiste opposant à Mazarin.Macron se veut ambidextre, ce peut être un avantage, mais souvent il apparaît comme ambigu. En même temps de droite et de gauche.


La gauche et la droite existent, elles n’ont pas été abolies par un vote populaire. La première se caractérise par sa propension à favoriser les solutions collectives, la seconde les libertés individuelles. Le collectif rend nécessaire une administration qui, si elle prend la main, dégénère vite en bureaucratie tatillonne. L’individuel permet la créativité, mais la liberté égoïste s’égare en inégalités qui deviennent vite des iniquités si l’on y prend garde.


La nouveauté de la pensée macronienne est qu’elle délaisse une vision dominée par la lutte des classes, attachée à droite comme à gauche dans la vie politique par les solutions étatiques, donc collectives, et administratives.


Il n’est pas pour autant un libéral, mais se veut pragmatique. Cette démarche qui précisément est difficile à concilier avec l’esprit français qui ne se satisfait que de systèmes. Blaise Pascal distinguait l’esprit de géométrie et celui de finesse. En France on aime les figures euclidiennes bien dessinées, et l’on regarde les mesures pratiques comme une poule qui a trouvé un cure-dent.


En manière de sortir de cette apesanteur intellectuelle serait de distinguer les mesures selon que l’on en attend une solution des problèmes ou tout différemment des progrès.Un enfant de quatre ans comprend que l’on peut, selon les tâches à accomplir, se servir de sa main droite ou de la gauche.


Il est peu contestable que l’on règle plus facilement les problèmes à plusieurs avec une gestion coordonnée, mais que les progrès sont plus souvent le fait d’individus ou de groupes très réduits sous forme d’équipe que d’une administration d’autant plus éloignée des innovations qu’elle est centralisée.


Il est évident que l’on ne bureaucratise pas la créativité sans la tuer. Mais prenons un exemple extrême. Le « progrès social » devrait être par nature une production collective. Cependant, cela n’est pas une totale évidence. En effet, le progrès social est réel quand il donne des droits aux personnes, mais n’est qu’un leurre quand il organise le droit contre elles, en application du principe que l’individu est incapable de savoir ce qui est bon pour lui. Il est une camisole quand on substitue un contrôle administratif à la liberté de chacun de choisir ce qu’il souhaite.


Et de gauche et de droite. Pour avoir un sens la formule n’est pas un compromis tiédasse, mais une sélection judicieuse entre les recettes collectives et les libertés individuelles, distribuées selon les questions à répondre.


Il se trouve que la France a, dans le monde qui va, plus besoin de créateurs et d’intelligence que de ronds-de-cuirs ; car il s’agit de faire face aux défis technologiques et climatiques par l’innovation bien plus que par la régulation.Il faut libérer les énergies et non passer aux 28 heures, comme prôné par certains dans une Convention citoyenne noyauté par Terra Nova, ou passer aux 110 km/h sur autoroute, signe d’un pays qui désormais marche au ralenti, sinon à reculons.


Si Macron apparaît ambigu, cela tient à une incapacité du monde intello-médiatique de remettre en cause ses propres structures mentales, sclérosées car puisées dans les « vérités » du siècle passé, et sans doute même du précédent. Emmanuel Macron ne peut rien contre cet état de fait, sinon continuer à s’adresser au futur. Et tant pis, s’il doit le payer d’une impopularité injuste. En tout cas, si « se réinventer » consiste en un retour à une idéologie ringarde, comme beaucoup l’espèrent, il aura perdu son temps au pouvoir, et aussi le nôtre. Une faute majeure dans un monde qui ne cesse d’accélérer.


Allongé sur le divan du prélat, notre Président aurait le plus grand intérêt à continuer l’analyse, car Le Cardinal de Retz, avait de la politique une vision qui devrait l’interpeller.


« L'homme public ne monte jamais si haut que lorsqu'il ne sait pas où il va », pourrait répondre le Président, en citant le mémorialiste, à ceux qui, ne comprenant pas sa pensée, l’accusent de ne pas en avoir.


« Ceux qui sont à la tête des grandes affaires ne trouvent pas moins d'embarras dans leur parti, que dans celui de leurs ennemis », Macron pourrait méditer cette vérité qui est une autre façon de dire : protégez-moi de mes amis, mes ennemis, je m’en charge.


« L’esprit dans les grandes affaires n’est rien sans le cœur », voilà un précepte à ne pas perdre de vue par un homme dont on vante l’intelligence que pour mieux dénoncer le manque d’empathie.


« Il n’y a point de petit pas dans les grandes affaires », pourrait enfin répondre Macron à ceux qui l’accusent de vouloir renverser les tables, mais d’accoucher de réformes microscopiques.


La psychanalyse n’existait pas au Grand Siècle, cela n’interdisait pas aux bons esprits d’annoncer des vérités éternelles.



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