A hue et à dia
- André Touboul

- 11 oct.
- 3 min de lecture

Sur l’échafaud, Jeanne Du Barry, dans la splendeur de ses 26 ans et d’une beauté incomparable, supplia, on s’en souvient : « encore un instant, Monsieur le bourreau ». Telle parait être ces jours-ci la supplique d’Emmanuel Macron. Il ne suscite pas la même compassion, mais plutôt exaspère jusque dans son camp où Attal déclare ne plus le comprendre et Edouard Philippe appelle à une présidentielle anticipée.
Ici et là on s’interroge sur la valeur ajoutée d’un Président démonétisé, et on la trouve nulle. Majoritaires sont les sondés qui le considèrent comme nuisible. Certes, les institutions pâtiraient gravement d’une démission du Président qui est l’arbitre et le rempart constitutionnel. Mais ce rôle majeur lui fait obligation d’user de ses pouvoirs dans l’intérêt du pays et non le sien propre. Quand il privilégie la stabilité pour elle-même, Emmanuel Macron ne sert en rien la France.
L’idée de concilier la droite et la gauche autour du centre était le cœur de son « en même temps », et pouvait sembler une voie de salut politique pour une France désabusée d’une alternance sans consistance. Mais cela n’aura conduit qu’à la montée des extrêmes. Celui qui s’est employé à déconstruire les partis de gouvernement tente aujourd’hui de les concilier. Mais Il faut se rendre à l’évidence, un attelage où les chevaux tirent à hue et à dia ne mène nulle part, si ce n’est dans le fossé.
A plusieurs reprises, avec plusieurs Premiers Ministres, le Président Macron a tenté son « et de droite, et de gauche ». L’échec n’est pas seulement imputable aux partis affaiblis, il tient à l’incompatibilité des projets politiques qui s’exacerbe toujours quand des élections (ici les municipales) sont en perspective.
Perseverare diabolicum, cette vérité, Emmanuel Macron veut l’ignorer.
En renommant Lecornu, il s’enfonce dans une forme d’autisme. On pouvait s’inquiéter de sa déconnection du réel quand il avait rappelé au Gouvernement Bruno Le Maire, son Ministre des Finances durant sept ans, que l’opinion associe aux mille millards de dette en plus. Mais, fait plus préoccupant, on le voit rejouer indéfiniment la même séquence, et l’on a le sentiment que ce n’est pas, comme pour la dissolution de 2024 dans l’espoir de forcer le destin, mais par incapacité d’en sortir. Un cul-de-jatte qui prétendrait s’appuyer sur ses deux jambes ne ferait pas mieux.
Mieux vaut un mauvais budget que pas de budget ? Cet argument pour la stabilité, c’est-à-dire l’opposition au changement « tout de suite », est discutable. L’absence de budget aurait un coût économique, provoquant l’attentisme des chefs d’entreprise, et la prudence des ménages qui sur-épargnent. Mais les délires économiques et fiscaux que l’on agite depuis des semaines pour acheter une stabilité illusoire sont bien plus à incriminer pour expliquer l’expectative générale. Macron a créé le trou d’air dans lequel le pays est en apesanteur.
La stabilité ? Pour quoi faire ? Gagner du temps pour Emmanuel Macron afin de durer jusqu’au bout de son mandat. Mais c’est en perdre pour les Français en retardant les décisions urgentes qui permettraient de ne pas continuer à creuser le déficit public, de tenter enfin de maitriser les flux migratoires, de réconcilier la population avec sa Justice, de traiter le narcotrafic et l’insécurité, de restaurer les services publics, de réformer l’Etat pour qu’il devienne enfin sinon frugal, au moins respectueux des deniers des contribuables, de redéfinir les limites de subsidiarité avec l’Union Européenne, de refonder un Etat de droit qui ne soit pas tout tordu… bref de vivre. Rien ne garantit que d’autres auraient cette vertu de redressement, mais le statu quo ne le tente même pas.
Quand Bayrou posait de manière inopinée la question de confiance, on parlait de fatigue démocratique, chacun, dans la classe politique, les médias et l’opinion, était las de ces simulacres de démocratie. Après le psychodrame du passage de Lecornu 1 à Lecornu 2, les mêmes sont excédés avec le sentiment palpable qu’à l’Elysée on s’est payé leur tête.
En jouant sur la peur des élections des partis du ventre mou qui se déconsidèrent, le Président ne fait que renforcer les extrêmes et au premier chef le RN, les LFI étant vérolés par leur islamogauchisme antisémite. Toute la classe politique devra payer la facture. Comme on le prévoit de toutes parts, car si la censure pourrait être évitée, jamais le budget ne sera voté faute de 49.3, il faudra, malgré ces contorsions, aller aux urnes. Pour tous ceux qui se compromettront avec Macron, à seule fin de, comme lui, se maintenir encore un instant, plus dure sera la chute. La maladie qui décimera les futurs candidats sera la macronite.
Budget; je conseille de lire l'article 47-1 de la Constitution "Si le Parlement ne s'est pas prononcé dans un délai de 50 jours [de la présentation du budget à l'Assemblée Nationale ], les dispositions du projet peuvent être mis en oeuvre par ordonnance."
Et si Monsieur Macron avait été envoyé pour liquider la Nation France? Cela permettrait de comprendre nombre d'actions jugées sinon incompréhensibles.