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C’est un scandale !

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 3 déc. 2023
  • 5 min de lecture


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Dupond-Moretti acquitté ! C’est un scandale ! Comme toujours quand les décisions ne conviennent pas, on crie au charron, et l’on veut supprimer la juridiction qui a mal jugé.


On est, en France, prompt à contester le système qui ne vous donne pas satisfaction. Ceux qui veulent abolir la Cour de Justice de la République, sont les mêmes qui éructent contre les modes de scrutin quels qu’ils soient pour peu qu’ils ne leur donnent pas la majorité. Pour eux, quand on perd le match, c’est toujours la faute de l’arbitre.


Ainsi, on entend déclarer que ce verdict de la CJR serait le fait des politiques qui se protègent entre eux. Rien de plus faux. En effet, dans la composition de la Cour, les membres de la majorité étaient, en l’espèce, minoritaires. Cinq membres de la majorité pour sept de l’opposition, auxquels s’ajoutaient trois magistrats que l’on ne peut suspecter d’être favorables à l’accusé, vu la nature de l’affaire qui venait devant eux sur plainte de l’ensemble des syndicats de magistrats. Il faut une dose létale de mauvaise foi pour avancer que l’opposition aurait voulu protéger le macroniste qui lui fait des bras d’honneur jusqu’en séance à l’Assemblée Nationale.


Dans le code de la route, les infractions sont sanctionnées par des amendes, dans le monde médiatique, énoncer une contrevérité flagrante est à l’évidence une contravention aux bonnes mœurs, mais il ne s’en suit aucune peine. Il est peu surprenant que les poncifs et clichés y fassent florès. La liberté d’expression ne devrait pas aller jusqu’à insulter la simple matérialité des faits.


On peut ne pas apprécier les rodomontades de cet avocat égaré en politique qui joue de son physique d’ogre bougon sans vraiment faire trembler, mais la Justice est chose trop sacrée pour la réserver à ceux qui nous sont sympathiques. Dans l’affaire Dupond-Moretti, le reproche qui a été fait au Garde des Sceaux de décider des enquêtes sur le comportement de certains magistrats, pour des motifs personnels, se heurte à deux obstacles qui auraient dû empêcher la Cour de Justice de la République de donner suite à la plainte des syndicats de magistrats, et qui d’ailleurs auraient dû dissuader ces derniers de l’introduire.


Le premier est qu’une enquête qui n’a, par définition, pour objet que d’établir les faits ne porte pas grief ; les juges ne cessent de le répéter aux justiciables à longueur d’année. Certes l’usage abusif de l’enquête, comme moyen de harcèlement serait inadmissible. Mais, en l’espèce, il existait de vraies questions à éclaircir. Tel était l’avis fourni au cabinet du Ministre par le Procureur Molins consulté à ce sujet, mais qui, comble de la duplicité, a tourné casaque dans un article publié dans Le Monde pour expliquer qu’il ouvrait une enquête sur le Garde des Sceaux, dont, circonstance aggravante, il briguait le poste. Ces faits étaient connus, ils excluaient toute intention délictueuse du Ministre. Il est indifférent que les magistrats visés par les enquêtes n’aient pas été sanctionnés ; en effet, il est apparu assez d’éléments au cours de l’enquête pour un renvoi devant le Conseil supérieur de la Magistrature. En qu’autres termes, ce n’étaient pas des enquêtes « bidon ».

Le second motif plus fondamental qui aurait dû être pris en compte est que la prise d’intérêt personnel par un Ministre est une vaste blague. En effet, les Ministres sont des personnes engagées en politique, et par définition prennent des décisions conformes à leurs convictions personnelles. Toutes les mesures prises par un Ministre sont donc des prises d’intérêt personnel. L’erreur est d’en faire une infraction objective, c’est à dire punissable sans qu’il existe une intention délictueuse. Cette dérive de piètres juristes n’est pas spécifique à cette affaire. Elle résulte de l’idée que les puissants sont suspects, et même présumés coupables. Ainsi les maires doivent redouter d’être traduits en justice sans qu’ils aient eu conscience de mal faire. Ainsi, l’on doit faire pencher la balance au détriment des riches, pour la seule raison qu’ils sont coupables de l’être.


En l’espèce, il était absurde de reprocher à un Ministre de la Justice de vouloir que la vérité soit connue sur certains actes de juges quand il soupçonne qu’ils ont été fautifs. C’est interdire au patron d’une entreprise de s’informer sur les actions de ses collaborateurs.

La seule question qui pourrait être posée est celle de savoir si les décisions ont été prises conformément aux pouvoirs dudit Ministre. En l’espèce, ce point n’était pas contesté.


Le fond de l’affaire est que la magistrature, en France, est traversée de courants pernicieux. A gauche, au Syndicat de la Magistrature, on veut changer la société en étant partiaux, comme le demandait un magistrat nommé Baudot dans une harangue dont certains juges se revendiquent. A droite ou au centre, les magistrats syndiqués prétendent ne pas faire de politique, mais s’arrogent de plus en plus le droit d‘exercer un contrôle d’opportunité sur les lois et règlements.


Substituer à la politique d’un Ministre l’appréciation d’opportunité par des magistrats est une tentation à laquelle succombe trop souvent le Conseil d’Etat qui s’autorise à suspendre des mesures décidées par l’exécutif, comme, par exemple récemment, en matière d’indemnisation du chômage.


Le vrai scandale est qu’il existe en France des syndicats de magistrats politisés. En effet, que ce soit à gauche ou à droite, il est inacceptable que les juges qui doivent être impartiaux et pour cela indépendants puissent « appartenir » à un syndicat.


Leur serment devrait être « revisité » pour qu’ils jurent de juger avec impartialité, nul doute que le risque de parjure aurait sur beaucoup un effet salutaire. Ils ne jurent pour l’heure que de se comporter en « loyal magistrat », ce qui ne signifie pas grand chose. Les préposés de La Poste ont un serment autrement plus exigeant.

La question que pose l’affaire Dupond-Moretti est plus celle de l’entre-soi du monde judiciaire qui confond indépendance et impartialité. Or, si l’impartialité est le devoir essentiel du juge, l’indépendance n’est qu’un moyen d’y parvenir et ne doit pas devenir une autonomie qui livrerait le juge à ses appartenances militantes. Dans ce registre, il ne faut jamais oublier le « Mur des cons », la honte de la magistrature française qui la marquera pour longtemps.


Il serait faux de croire que les syndicats de Magistrats ne se préoccupent que des questions professionnelles, ils font de la politique et de manière très engagée. En 2015, le syndicat de la Magistrature introduisait un recours devant le Conseil d’Etat pour annuler une décision du gouvernement restreignant le droit de départ pour l’étranger d’individus s’y rendant pour rejoindre l’Etat islamique. Le Conseil d’Etat a rejeté son action au motif que la généralité des statuts dudit syndicat ne devait pas l’autoriser à sortir de son rôle de défense des intérêts professionnels de ses membres. Cette fois le Conseil d’Etat a parlé d’or, mais cela révèle les prétentions de certains magistrats de faire de leur syndicat un instrument politique.





 
 
 

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