Emmanuel bifrons
- André Touboul

- 24 févr. 2023
- 2 min de lecture

Au nombre des dieux révérés par les Romains figurait en bonne place Janus bifrons, c’est-à-dire Janus « aux deux visages ». L’un regardait vers le futur, l’autre le passé.
La signature d’Emmanuel Macron est le « en même temps », il parait avoir été inspiré par le dieu que les Romains honoraient en janvier. Mais, en vérité, il en est l’illustration inverse. Janus était le maître des choix, pas des ambiguïtés.
On élit un président pour décider, pour trancher les noeuds gordiens, pas pour les embrouiller encore plus.
Or, Macron, parait avoir été frappé par l’incapacité de choisir son camp. Le fait est évident à propos de la guerre en Ukraine. Dans la même phase, il déclare qu’il veut la défaite de la Russie, et précise qu’il ne faut pas l’écraser.
Alors que fait-il ? Il aide les Ukrainiens, mais pas trop. En matière politique les mots sont des armes, ils ont une portée stratégique. Macron macrone, comme l’on dit à Kiev. Avec des amis comme lui, les Ukrainiens n’ont presque pas besoin d’ennemis.
Dans le débat intérieur franco-français à propos de l’Ukraine, le double langage fait des ravages. Nul ne comprend pourquoi il faudrait s’engager dans un camp pour ne pas gagner.
On disait jadis qu’il est difficile de contenter tout le monde et son père, Macron s’épuise à ce jeu de godille qui n’avance à rien. Le résultat le plus net de cette attitude est qu’il n’a aucune crédibilité. Ni pour ses amis, ni pour ce « cher Poutine » qu’il ne veut surtout pas humilier. On avait compris au début de la guerre que ménager Poutine était dicté par le souci d’éviter une conflagration nucléaire. Mais désormais il est évident que cette menace est un épouvantail pour les petits enfants. Macron se voyait dans la peau d’un négociateur qui discute avec un preneur d’otages. Il se fait seulement tourner en bourrique.
En politique intérieure, Emmanuel Macron pratique aussi la virevolte, et la langue fourchue qui n’est jamais loin du mensonge. On a du mal à croire qu’il revient enfin sur la ligne stupide qui lui a fait fermer Fessenheim, et, dans la foulée de ses prédécesseurs, désarmer le navire amiral de l’énergie qu’est EDF.
Sur les Retraites, il a tant varié sur la question de l’âge de départ que l’on n’y comprend rien. La raison de cette réforme est pourtant simple. Elle se nomme « endettement ». Pour trouver sur les marchés financiers les fonds dont la France a besoin, il faut s’aligner sur nos voisins sur ce point qui est un marqueur de la volonté de travailler du peuple français, donc de rembourser ses dettes.
En cherchant à justifier sa réforme par d’autres raisons aussi faibles que fausses, il a compromis son effet nécessaire. En fait, la France à l’arrêt ne sera pas de nature à rassurer les capitaux qui n’ont pas de sentiments, et sont plus vite effarouchés que séduits. L’ennui c’est que nous avons absolument besoin des marchés financiers. Il est regrettable qu’ils fassent la loi, mais c’est ainsi. L‘Etat ne peut que s’en accommoder, et il est d’autant plus désarmé qu’il est endetté.
*
Commentaires