Fortitude
- André Touboul

- 25 nov. 2023
- 6 min de lecture

Sur l’Ukraine, Emmanuel Macron a vasouillé, sur Israël versus Hamas il vasouilla, quand il s’agit de manifester contre l’antisémitisme, il vasouille encore, et sur la définition d’une politique migratoire claire, il vasouille toujours. Notre Président est vasouillant. Certes, les questions qui s’abattent sur l’actualité sont complexes, et il faudrait bien de la détermination pour trancher ces nœud gordiens. Mais n’est-ce pas le rôle d’un chef d’Etat que de montrer le chemin ? En réunissant avec insistance les chefs de partis politiques à Saint-Denis, dont le nom évoque la monarchie, Emmanuel Macron rappelle plus l’hésitant Louis XVI, que le jupitérien Roi soleil.
Décevoir. Telle semble, sous notre République, la malédiction du second mandat, qui n’a jamais réussi à aucun. Mitterrand et Chirac ont subi une descente aux Enfers. Pour l’un, on évoquait l’usure du pouvoir afin d’expliquer pourquoi celui qui promettait de changer la vie n’avait, en fait, que changé les profiteurs du système ; pour l’autre, on parlait d’un Roi fainéant quand il n’était pas le Super-menteur des Guignols de l’info.
Emmanuel, Prince charmant, prétendait, d’un chaste baiser, réveiller la France par sa connaissance magique du Monde mondialisé. Mais c’est Macron qui s’est assoupi. A sa décharge, il faut convenir que ce « cher vieux pays » qu’aimait tant Charles de Gaulle, est devenu un bois dormant, dont les élites se réfugient dans le déni du réel. La plupart, il est vrai, simulent. Ils ne sont pas vraiment dans les bras d’Hypnos, le Dieu du sommeil chez les Grecs. Leur défausse est de la couardise, elle risque d’être fatale, car le frère jumeau d’Hypnos n’est autre que Thanatos, image de la mort.
En ne marchant pas avec les manifestants du 12 novembre contre l’antisémitisme, E. Macron, qui préconisait la France en marche, et dont les partisans se revendiquent « les marcheurs », révèle que bien que convaincu, ainsi qu’il l’affirme, de la justesse de cette marche et de sa nécessité, il s’en est abstrait « pour ne pas diviser ».
L’aveu est effrayant. Car, précisément, de cette division il ne fait que prendre acte. L’attitude cohérente et forte aurait été de nier la possibilité et la légitimité d’une telle fracture pour lui faire échec. Au lieu de cela, prenant ses conseil d’un humoriste notoirement antisémite, il a choisi de considérer comme un fait acquis que les banlieues n’accepteraient pas qu’il se comporte en adversaire des antisémites, dont elles seraient peuplées. Son abstention est plus grave qu’un manque de caractère, car la responsabilité des politiques, et au premier rang, celle du chef de l’Etat n’est pas de se soumettre aux vents mauvais, aux passions tristes et tragiques, leur mission est de se dresser contre les forces du mal. Or, en l’espèce le vent qu’il faut combattre est celui de la discorde. On ne le conjure qu’en montrant sans équivoque le chemin droit.
Pas de vagues semble dire Emmanuel Macron. Telle est l’attitude qui gangrène la société française. C’est celle de la démission des Directeurs d’établissement de l’Education Nationale, celle qui a toléré que l’on intimide les professeurs, et qui a conduit à la décapitation de Samuel Paty, puis au meurtre de Dominique Bernard. La faiblesse est le principal aliment des violents.
Pour ne heurter personne, on s’abstient de prendre parti en actes, on se contente de belles paroles, et l’on regarde ailleurs. Cette « prudence » qui est de la couardise, va jusqu’à se refuser de nommer le mal qui ronge la société française, encore plus profondément que par de l’antisémitisme. Il ne faut pas se leurrer, ces égards ne sont pas de la délicatesse ou pour employer un mot à la mode de la bienveillance, ils résultent de la conviction que les adversaires de la France sont désormais trop forts pour être combattus.
L’Islamisme politique, tel est le terme parfois chuchoté par des dirigeants tout effarés de leur propre audace de designer la cause de la pathologie qui affaiblit le pays. Or, c’est là une tricherie sémantique. En fait, l’agent létal, qui est à l’œuvre ici et maintenant, est un Islamisme sociétal.
Ce qui menace la République n’est pas politique. Les Islamistes hostiles ne se placent pas sur le champ électoral ou même celui de la prise de pouvoir par la force, ils savent que, pour l’heure, ils sont minoritaires. Le lieu de leur combat est la société qu’ils s’emploient à fracturer. Se placer sur le terrain politique est une manière de nier l’urgence du péril.
D’un côté, les Islamistes s’emparent des consciences d’une population dont les racines les rattachent au Maghreb ou à l’Afrique, pour les verrouiller dans une identité malheureuse et revendicatrice.
De l’autre, ils s’emploient à choquer la majorité tranquille des Français par des actes les plus barbares qui soient. Le point faible de cette stratégie n’est pas dans l’improbable résilience de la nation française, qui oublierait les offenses et se contenterait de tendre l’autre joue pour désarmer les terroristes, comme l’y invitent ses dirigeants. Non, le défaut de la cuirasse de l’Islamisme est dans ce que l’Islam combattant considère comme son propre camp. Malgré toutes les mèches courtes qu’il allume, il est très difficile au mouvement islamiste de faire passer massivement les Musulmans de France du mutisme à l’action hostile concertée.
Pour secourir les Français enfermés dans une « islamitude » non choisie, il faudrait que l’élite qui gouverne la France ait le front de nommer ce qui constitute l’ennemi, son uniforme, ses signes de ralliement, ses emprunt abusifs à la religion de Mahomet.
De même que la Religion catholique, qui dans le passé a montré qu’elle aussi pouvait être barbare, a dû renoncer à diriger les consciences de la société française, L’Islam de France doit apprendre à se rendre compatible avec la culture laïque française.
Il est impératif que nos responsables assument la responsabilité, qui est la leur, de dire ce que doit être le comportement libérateur d’un communautarisme carcéral, et de ne faire aucune concession à cet égard. Il est temps de condamner comme non républicain, et traitre à la patrie, le multiculturalisme destructeur. Il est urgent de dissiper la confusion entre la liberté religieuse et l’assignation à résidence communautaire. Hélas, trois fois hélas, à cet égard, Emmanuel Macron, comme toute la classe méritocratique dont il est issu, est pris d’une étrange somnolence.
Cette apathie n’est qu’un refuge puéril dans un monde rêvé où règnerait l‘harmonie du vivre ensemble. La vie réelle est toute autre. L’antisémitisme n’est qu’un thermomètre qui s’emballe quand les sources de conflit se multiplient et que leur violence s’aggrave.
Le maelstrom qui travaille la France est plus encore à l ’œuvre sur toute la planète. Loin de pousser les Etats désunis à se concerter pour faire face aux dangers, au premier rang desquels, et sans doute à l’origine de tous les autres, se situe la menace climatique, on assiste à un festival de chacun pour soi.
Le bilan climatique des conflits armés est un désastre, mais les idiocrates qui dirigent les peuples ne cessent de surenchérir sur le droit du plus violent. Dans les naufrages, les égoïsmes parlent plus fort que les solidarités.
Dans ce monde fou, le discours du pacifisme n’a pas de place, sauf pour affaiblir ceux qui en sont dupes. A cet égard l’Occident ne cesse de se fourvoyer. On y entend chaque jour des prêcheurs qui pratiquent l’auto dénigrement, alors que ces peuples, que l’on dit vouloir s’émanciper, se ruent, pour y vivre, vers l’Europe et les Etats-Unis, ces pays détestés, réputés oppresseurs, racistes et néo-coloniaux.
Le devoir des Etats occidentaux, comme des dirigeants de la France, est aujourd’hui plus que jamais d’affirmer fermement leurs valeurs de civilisation dont ne rougissent que les imbéciles.
On n’a pas compris que c’est la pusillanimité des Etats démocratiques qui fait se détourner d’eux ceux qui se considèrent comme faisant partie du Sud Global. En se rapprochant de la Chine, de la Russie et des Etats théocratiques, ils montrent seulement la primauté de fait du discours de la force. L’Occident, qui ne devrait pas s’y tromper, donne, pourtant complaisamment, dans le panneau de ceux qui veulent le culpabiliser.
Ce qui convient à notre époque est la fortitude. Ce terme peu usité n’est pas un frère du barbarisme « bravitude » dont Ségolène Royal se rendit coupable en visitant la mauraille de Chine. Il fut utilisé par Montaigne, Chateaubriand et Julien Green. Il désigne la résistance aux dangers et aux souffrances, par opposition au courage qui pousse aux entreprises périlleuses, alors que la témérité engage à l’impossible. On demande, en vain, à nos dirigeants de montrer du courage, qu’ils prennent pour de la témérité ; sans doute aurait-on plus de chance d’être entendus en exigeant d’eux tout simplement de la fortitude.
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