L’exemple européen
- André Touboul

- 4 mars 2023
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L’Union européenne n’est pas un empire, et c’est heureux. Si les Etats-Unis, la Russie ou la Chine s’étendaient avec autant d’ampleur que l’UE depuis un demi-siècle, nul doute que l’on hurlerait à la conquête impérialiste.
Curieusement, l’Union est de plus en plus critiquée par ses propres opinions publiques. Tantôt on la juge trop présente voire oppressante, tantôt l’on déplore son absence, son manque de volonté politique.
Et, malgré ces griefs qui ne sont pas imaginaires, elle ne cesse d’être attractive. Tout le monde veut y rentrer. Les candidats éconduits en sont fort marris.
La raison de ce paradoxe apparent est que les empires s’établissent usuellement par leur puissance soit militaire, soit économique, soit les deux conjuguées. Or si l’Europe regroupe 600 millions d’habitants, elle n’est pas la première économie, et ne possède en propre aucune force armée.
L’UE, ce n’est pas elle qui s’impose, mais c’est son mode de vie qui constitue son attractivité. Il fait bon vivre dans l’UE. On s’y plaint, certes, mais ailleurs, justement, le plus souvent l’on ne peut pas se plaindre. On y vit en sécurité, en tout cas plus que dans la société américaine violente par nature, même si cet atout est en voie d’amenuisement. La solidarité sociale y est active, et sans contrepartie d’abdication politique.
Les Britanniques en sont sortis, et ils ne finissent pas de se demander par quelle aberration ils ont pris cette décision. Bien entendu, la vie est possible hors de l’UE, mais moins douce.
On moque les institutions qui se soucient de la taille et du nombre des petits pois dans les conserves, et qui concoctent des normes à tour de bras.
On s’offusque que les juges européens donnent des leçons de droits de l’homme à tel ou tel membre, en outrepassant les pouvoirs que la démocratie leur accorde, quand ils prétendent faire la loi au lieu de l’appliquer.
On déplore les lenteurs des décisions, et l’absence de volonté politique commune qui ferait de l’Union une puissance.
Mais l’on omet de dire que les spécificités de l’Union sont d’une part une solidarité entre des Etats qui furent jadis ennemis ou concurrents, de l’autre une méthode de négociation patiente qui parle de convergence et non d’uniformisation forcée, et enfin, ce point est capital, une capacité d’évolution qui n’existe dans aucun des autres grands ensembles politiques.
Les Etats-Unis sont agrippés à leur Constitution qui est le lien essentiel et peut-être unique qui tient unis les Américains du nord. La Chine est enserrée dans le corset d’une administration gérée par un parti unique. La Russie maintient par la violence son emprise sur des républiques non slaves, et par la fiction de la slavitude son autorité sur les autres. Leur capacité d’évolution est très limitée, tant en matière politique que culturelle, en tout cas dans la paix civile.
L’Union Européenne, elle, est en devenir, ainsi elle est plastique. A chaque épreuve, les membres de l’Union montrent qu’ils savent serrer les rangs. Ils le font de manière démocratique et pacifique. En cela, ils donnent une leçon au reste du monde qui en est toujours au règlement ultime de tous les problème par la force.
Sans risquer d’être démenti, on peut parler d’une Europe exemplaire. C’est d’ailleurs ce « mauvais exemple », si attractif que la guerre de Poutine aux marches de la Russie avait pour objet de contrecarrer. Son calcul, qui tendait à faire exploser l’Union, dont plusieurs de ses membres avaient été rendus dépendants à son gaz et son pétrole, a échoué. En dépit des sacrifices qui leur ont été imposés, les Européens ont fait bloc, et sur ce point comme sur d’autres l’agression de la Russie tourné à son détriment.
Les grandes puissances ont pour objectif l’hégémonie. Ils concourent pour la primauté, La Chine et les USA, bien entendu, mais même la Russie qui n’a cependant pour cela que son arsenal nucléaire et la vastitude de son empire. L’Union européenne n’a pas cette prétention. Son ambition est de vivre en paix.
L’Afrique vit une période de contradiction. Plusieurs Etats cultivent les fantômes du colonialisme pour unir leurs populations contre l’européen ancien colonisateur, à défaut de savoir les mobiliser pour un projet national. Mais les Africains votent massivement avec leur pieds pour l’Europe, qu’ils payent cher pour rejoindre, jusqu’au prix de leur vie, parfois .
Pour le reste, Inde, Brésil, Argentine, ils regardent l’Union Européenne comme un marché. Même s’ils se prétendent être des démocraties, il y règne une méfiance vis-à-vis des grands et vieux principes occidentaux qu’ils distinguent mal de l’Empire britannique, pour l’une, et de l’impérialisme américain pour les autres.
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