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L’énigme majeure

  • Photo du rédacteur: André Touboul
    André Touboul
  • 11 juin 2023
  • 5 min de lecture




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L’énigme que la Sphinge a posé à Œdipe pour libérer la ville de Thèbes parait une banale devinette comparé à celle qui s’impose aujourd’hui aux impudents qui veulent franchir les portes du pouvoir. C’est le paradoxe de la croissance de la dette publique et de l’affaissement concomitant de la qualité des services publics. En somme, plus l’Etat et les collectivités locales dépensent, moins le citoyen en a pour son argent.

Les moyens pour affranchir l’Etat de cette malédiction ont toujours été inefficients. Il faut dire que d’un côté l’on se plaint du manque de personnel pour expliquer le naufrage du système de santé, de la Justice, de la police… etc. Et simultanément les dépenses publiques ont dépassé 58% du PIB, seuil que l’on considère très généralement comme faisant basculer l’économie mixte dans le collectivisme.


Un enfant comprendrait que la solution n’est pas de dépenser plus. Puisque plus l’on dépense plus on manque d’effectifs.

L’idée qui vient aux apprentis comptables de diminuer la masse salariale des agents publics n’est pas d’une meilleure pertinence. Ne pas remplacer un fonctionnaire retraité sur deux n’est une solution qu’apparente. En effet, rien n’assure que les départs non remplacés ne se produisent pas là où les personnels sont indispensables, ou même insuffisants. Il n’y a aucune raison raisonnable pour que la pyramide des âges dans la fonction publique coïncide avec la structure des besoins.


La réponse que le plus modeste des chefs d’entreprise trouve d’instinct est que son affaire ne tourne bien que si chacun y est adapté à sa fonction. Il ne s’agit pas de quantité, mais de qualité et surtout d’adéquation. Ainsi chaque euro dépensé aura une efficacité optimale.


Cette recherche de rendement dans l’allocation des ressources humaines est une obsession de tout manager sensé. Les principes en sont connus.


Bien entendu, d’abord, l’on doit s’assurer que les postes de travail sont les plus adaptés aux buts poursuivis. Rien ne sert d’avoir les meilleurs commerciaux du monde si la production est défectueuse, ou l’inverse.


Chaque fonction doit ensuite être pourvue par des agents disposant des meilleures aptitudes qui y correspondent. Mais, il faut aussi que les personnes concernées aient la volonté de donner le maximum de leur effort. Pour cela, chacun doit être responsable de sa performance, rétribué et sanctionné en conséquence de sa prestation. Et enfin, mais cela n’est pas le moins important, outre la valorisation monétaire du travail, c’est la considération sociale qui y est attachée qu’il ne faut pas négliger. Pour que cette estime de la tâche de chacun soit une réalité, ce sont les conditions de travail qu’il faut soigner.


En reprenant un à un ces préceptes du chef d’entreprise avisé, et en les appliquant à la fonction publique, l’on ne peut manquer de constater que pratiquement aucun n’est satisfait ou pour la plupart pris en considération.

L’irresponsabilité du fonctionnaire est proverbiale, elle est même justifiée pour certains par la nécessité de les protéger pour un bon accomplissement de leur mission. Mais une fois ce principe admis, par exemple pour les juges, il s’étend à toutes autres tâches qui n’ont nul besoin d’être sanctuarisées.


La performance est aussi l’ennemie de l’agent public. La culture du chiffre, dans la police conduit à des aberrations. Mais c’est confondre le fait avec sa mesure. Ce qui est toxique, c’est que les policiers consciencieux et diligents ne sont ni mieux considérés ni mieux payés que les autres.

On ne peut compter que sur l’estime de soi pour que chacun fasse de son mieux.


Les agents publics ne sont pas interchangeables. On ne fait pas d’un instituteur un policier, ni d’un rond-de-cuir aux manches de lustrine, un geek maniant l’informatique comme sa langue maternelle.

Le monde du XXIème siècle est celui de l’accélération du changement et de son corolaire, la précarité, ou si l’on préfère la remise en question. « Rien n’est jamais acquis », pourrait être la maxime inscrite aux frontons des bâtiments publics, comme elle s’impose aux commun des mortels.


Avec un sens incomparable de la formule, mais en total contresens des réalités et du bien public, François Mitterrand, homme du siècle révolu, parlait de protéger les « droits acquis », au nombre desquels il plaçait la retraite à 60 ans.

L’adaptation aux changements de plus en plus rapides est, au contraire de la doctrine Mitterrand, la seule voie de salut pour la France et les Français.


La réponse au paradoxe est bien entendu de mettre fin au système des Danaïdes, c’est-à-dire colmater les fuites inutiles.


On dénonce avec raison les irrégularités, les détournements, la gabegie… mais le plus préjudiciable n’est pas l’exception, mais ce qui touche la totalité du système.


L’inefficacité porte un nom, il s’appelle « statut de la fonction publique », son contenu est une garantie de revenu à vie, un resistance à tout changement, et une irresponsabilité garantie par une justice maison, échappant au droit commun.


Vainement, les gouvernements successifs ont tenté de recruter des contractuels, mais les titulaires, qui se considèrent comme propriétaires de leurs postes, font échec à cette politique. La moindre tentative se heurte à la clause du grand père qui renvoie aux calendes grecques les effets d’une avancée (vécue comme un recul social) dans le sens d’une meilleure gestion.


Certes, il est compréhensible que certaines fonctions régaliennes justifient que les personnels bénéficient de protections spéciales, mais le « Statut » s’applique bien au-delà. Le fonctionnaire est protégé de l’arbitraire de sa hiérarchie, mais celle-ci est désarmée devant la fameuse loi du moindre effort. Qu’ils le veuillent ou non, les idéalistes du service public sont forcés de s’aligner sur les peinards. S’ils ne le font pas, ils sont vite qualifiés de « sociaux traitres ».


Cette fatalité n’est pas aussi inéluctable qu’on le croit. La haute fonction publique française qui était malade de l’irresponsabilité mère de son incompétence a « encaissé » les réformes Macron. Elle sera, sans doute, moins ardente à défendre un statut dont elle ne profite plus.


La Suède a réussi à sortir progressivement de ce piège du statut. Elle a toujours autant de fonctionnaires, mais sa dette publique a diminué de manière spectaculaire. L’argent public est beaucoup plus efficace. La société suédoise s’est accoutumée à cette philosophie de la performance.


La solution de l’énigme majeure que tout postulant à la direction de l’Etat aura à résoudre, tient en ces quelques mots : il faut mettre fin au statut de la fonction publique. On a essayé de le faire, sans le dire, et cela n’a pas donné de résultats. Il est temps de dire la vérité aux Français. L‘épisode de la dernière, mais pas ultime, réforme des retraites laisse présager qu’ils ne sont pas prêts à l’entendre. Mais un Président qui ne peut briguer un nouveau mandat, et qui n’a aucun héritier ni parti à préserver pourrait avoir ce courage.



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