La République du néant
- André Touboul
- 3 nov.
- 3 min de lecture

La dernière semaine d’octobre a aura été celle d’une démonstration tragique, celle de l’inutilité de la représentation nationale. Tels de mauvais acteurs qui sur-jouent des rôles appris par cœur, comme des automates, les députés se sont employés à dramatiser des votes sans enjeux, car aucun d’entre eux ne pensait vraiment que le texte final, fait de bric et de broc, aurait une chance quelconque d’être adopté.
Les Socialistes ont mimé une négociation à l’ancienne avec le Premier ministre, allant même jusqu’à scénariser un déjeuner entre pseudos ennemis. En cause, la taxe Zucman ? Que nenni. En fait, ils en préparaient une version faisant passer le rasoir fiscal de 100 à 10 millions d’euros. Cette inversion du light se confirmait avec l’impôt sur la fortune improductive finalement votée, grâce au RN et sans LFI (?), qui faisait tomber le plancher sur la tête des contribuables dont le patrimoine dépasse 1,3 million d’euros. Les Inconnus qui chantaient, il y a trente ans, « on est les frères Rap-tout », auraient adoré.
Sur ce rétablissement d’un ISF, mal fagoté, Jordan Bardella, interrogé sur LCI n’a pu que bredouiller des explications vaseuses consistant surtout à se disculper d’être dans le fond un socialiste déguisé. Quand on endosse un costume, on l’assume. Lui, on le sentait surtout prêt à répondre que le vote RN n’avait aucune importance, puisque le Budget serait repoussé.
On peut comprendre que chaque parti adopte une posture avec le regard fixé sur son électorat, mais ils négligent tous l’effet déplorable de la comédie grandiloquente qu’ils donnent à voir qui est celle de leur incapacité à faire aboutir tous ces amendements qu’ils défendent avec une ardeur féroce, sachant qu’adoptés ou non ils n’auront aucun avenir.
Temps perdu, comédie, mensonge, le spectacle du Palais Bourbon est celui d’une bande d’inutiles dont on se demande à quoi auront servi les indemnités parlementaires qu’ils ont perçues pour une mission dont l’essentiel est le vote du Budget de la France.
Lamentable, le triomphe du RN qui dans sa niche parlementaire a fait adopter une résolution sur l’Algérie… sans effet. Encore la célébration du rien.
Pitoyable, le lamento de Mélenchon, ex-conjoint du PS, qui se plaint d’avoir été cocufié par Lecornu... coup nul, diront les mauvais plaisants.
Aussi mal loti parait ledit Lecornu, Premier ministre, qui, convenant dès sa nomination de son inutilité, a remis les clés de Matignon au PS, et ne peut que constater que celui-ci ne veut pas de Budget, mais des victoires théoriques et surtout sans application.
Quant à Macron, le fantôme de l’Elysée, le voici réduit à combattre les réseaux sociaux qu’il prétend dominés par l’extrême droite, où se répandent des rumeurs débiles. Ce plaidoyer pro domo et même domestique, ne lui confère aucune utilité pour la France. Pour le reste, lui-même a acté qu’il ne sert plus à rien.
Bien ou mal gouvernés, les Français ont le droit d’être dirigés par ceux qu’ils élisent à cette fin. Ils ne le sont plus. Les députés font semblant de débattre, le Premier ministre ne fait même pas mine d’avoir une politique générale, et le Président de la République expédie ses propres affaires courantes. Cette République de carton-pâte n’est plus qu’un décor de théâtre où la pièce qui se joue n’est qu’un mime de la démocratie.
Ces simulacres seraient sans importance si par ailleurs tout allait pour le mieux. Hélas, c’est quand les décisions difficiles et sérieuses sont nécessaires, que les organes de l’Etat font défection.
Devant ce concours des inutiles, le commentaire parait lui aussi vain, tant l’évidence de l’inanité de toute l’agitation politico-médiatique ne peut qu’être ressentie par tous.
Mettre ses mots sur nos émotions ? Certes. Mais la langue française, pourtant incomparable en subtilités manque ici de vocabulaire.
On pourrait parler d’usurpateurs pour tous ceux que l’on a cités plus haut. Ils usurpent leurs mission. Le mot trahison aussi se présente, à la vue des simulateurs précoces que sont devenus nos députés, rivalisant en cela avec l’exécutif. Le terme « jean-foutre » conviendrait également, pour parler familièrement, ou alors de cloportes non-métamorphosés si l’on aime Audiart-père. A vous de choisir.
En vérité, l’embarras vient du fait qu’il est impossible de décrire le « rien ». Nous sommes entrés dans la République du néant. Les acteurs qui s’agitent font plus que semblant, ils sont hors-sol, dans une réalité parallèle. Comme pour Alice dans le miroir, tout y est irréel, car inversé. Par exemple, on manque d’argent et l’on ne parle que de tuer la poule aux œufs d’or. Un autre : l’Etat dépense mal, on rivalise pour remplir ses caisses. C’est donner un rasoir à un singe. Ce pays que l’on s’obstine à vouloir celui des merveilles, n’est même pas l’Enfer, il menace simplement de s’évanouir dans la nullité, la somptuosité du rien.